Marchés

Perspectives économiques canadiennes pour 2022

23 décembre 2021 - 4 minutes 30 secondes

Quelles seront les répercussions potentielles de l’inflation, des hausses de taux d’intérêt et des pénuries de main-d’œuvre en cette troisième année de pandémie pour le Canada?

Un drapeau canadien s’agite dans le vent alors qu’en arrière-plan se dresse un gratte-ciel d’une grande ville.
L’an prochain, les économies devront marcher sur une corde raide, tout comme les marchés d’ailleurs.

Alors que l’année 2021 tire à sa fin, fort nous est de constater que la reprise a été beaucoup plus robuste que prévu, en grande partie grâce aux mesures de relance budgétaire presque sans précédent dont les économies ont pu bénéficier (et qui, dans bien des cas, ont représenté plus de 10 % du produit intérieur brut). En appui à cette hausse massive des dépenses, les taux d’intérêt ont été réduits à zéro et la grande majorité des grandes banques centrales ont adopté des mesures d’assouplissement quantitatif pour faire baisser les taux encore plus à long terme.

À l’approche de 2022, bon nombre de ces tendances commenceront à s’estomper. Nous nous attendons à ce que les taux augmentent au Canada et aux États-Unis; la Banque d’Angleterre et certaines petites banques centrales ont déjà majoré les leurs.

Ce recul par rapport aux mesures de relance est tout à fait logique. Les taux de chômage sont revenus à la normale, et l’inflation est élevée presque partout. Et ici, ce sont dans les données sur l’inflation que le bât blesse. En règle générale, les ménages surestiment le taux d’inflation auquel ils font réellement face. Dans un contexte où l’inflation mesurée est supérieure à 4 %, les ménages sont donc durement touchés.

Que veulent dire ces données sur l’inflation?

Le problème n’est pas aussi simple qu’une hausse de l’inflation. C’est plutôt que sa courbe de croissance s’est échelonnée sur une période beaucoup plus longue que prévu. Nous prévoyons bien qu’elle ralentisse sa course l’an prochain, compte tenu du fait que selon plusieurs mesures, notre économie dispose encore de capacités inutilisées et que les prix de l’énergie ont chuté par rapport aux récents sommets. Toutefois, l’ampleur exacte de ces capacités demeure largement inconnue. Une certaine mesure de prudence supplémentaire ne saurait faire de tort ici.

On a largement attribué les perturbations de la chaîne d’approvisionnement à l’inflation de cette année, mais elles finiront par s’ajuster. Voir de telles frictions n’a rien de surprenant, la consommation de biens étant franchement supérieure aux tendances de la pandémie. Lorsque nous reviendrons à la normale, nous nous attendons à ce que certaines dépenses liées aux biens soient réaffectées aux services. Mais combien de temps sera nécessaire pour que ce rajustement ait lieu? C’est là que le flou persiste. Le problème, c’est que si l’inflation continue de s’accrocher à de tels niveaux pendant une autre année encore, les attentes pourraient bien ne jamais se réaliser. Et si les ménages finissent par intégrer ces niveaux élevés d’inflation à leurs attentes, cela pourrait engendrer une spirale inflationniste qui ne cesse de s’accentuer.

Voilà la corde raide dont nous parlions plus haut

Les décideurs doivent commencer à prendre des mesures qui sauront rétablir l’équilibre, compte tenu de la persistance inattendue de l’inflation. En effet, si cette dernière s’enracine trop dans le tissu économique, la seule façon de la contrecarrer sera de tenter de l’étouffer à coup de hausses de taux punitifs. Et en réalité, c’est d’une récession dont une inflation si bien accrochée a besoin.

Mais si les décideurs décident plutôt d’agir trop rapidement dans leur prise de mesures, cela aura pour effet de ralentir la reprise vers le plein emploi et pourrait endommager le marché du travail de façon permanente. Certains dommages sont probablement inévitables, toutefois, considérant l’atrophie des compétences et le départ à la retraite de certains travailleurs plus expérimentés qui ponctuent le marché du travail actuel. Maintenir cet équilibre délicat ne sera pas de tout repos.

Que nous réserve l’avenir?

Premièrement, la croissance demeurera bien au-dessus des tendances à long terme, quoique plus lente que l’an dernier. L’inflation atteindra son sommet au début de l’an prochain. Elle devrait ensuite considérablement décélérer, mais nous nous attendons à ce qu’elle se maintienne au-dessus de 2 % dans un avenir prévisible. Ici, l’idée à retenir est que le parcours sera inégal. Les taux obligataires devraient être plus élevés à la fin de l’an prochain qu’ils le sont aujourd’hui, sans pour autant suivre une ligne droite. En ce qui concerne les données économiques, les gains faciles ont déjà été réalisés.

Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada majore ses taux en avril, mais le gouverneur Macklem n’a pas dit non à une hausse dès ce janvier. Il convient de noter que les deux dernières fois où la Banque du Canada a majoré ses taux au-delà des seuils établis pour les mesures d’urgence, elle les a rapidement ramenés à 1 %. Nous nous attendons donc à ce que ces hausses se produisent au plus tard au troisième trimestre de l’an prochain. À partir de là, le sort des taux canadiens dépendra de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Même si la Fed est en mode rattrapage en ce moment, nous croyons toujours qu’il y a de bonnes raisons pour qu’elle adopte une approche relativement prudente à l’égard de la hausse des taux. Le processus de réduction progressive aux États-Unis prendra probablement fin en mars, et nous ne prévoyons pas de première hausse de taux aux États-Unis avant la fin de 2022. Il convient de noter que même si les niveaux d’emploi au Canada sont entièrement revenus à leurs niveaux d’avant la pandémie, le marché américain de l’emploi traîne de l’arrière d’environ quatre millions d’emplois. Pour cette raison, il est raisonnable de penser que la Banque du Canada majorera ses taux avant la Fed.

À bien des égards, il s’agit d’une bonne nouvelle. L’économie canadienne a enregistré des gains importants au cours des six derniers trimestres et cette inflation que nous vivons en est le prix. Une majoration des taux d’intérêt sera inévitable pour arriver à l’endiguer, mais il serait vraiment surprenant de voir un retour des taux qui ont caractérisé le début des années 2000. Selon les dernières estimations, le taux neutre au Canada se situe entre 1,75 % et 2,75 %, et ces estimations ont diminué au fil des ans. Même si les taux augmentent, ils devraient rester faibles par rapport aux normes historiques. Si les banques centrales réussissent à maintenir le cap, nous prévoyons un rétablissement de l’économie vers une croissance modeste et une inflation modérée au cours des deux ou trois prochaines années.

Portrait d’Andrew Kelvin


Stratège en chef, Canada, Valeurs Mobilières TD

Portrait d’Andrew Kelvin


Stratège en chef, Canada, Valeurs Mobilières TD

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Stratège en chef, Canada, Valeurs Mobilières TD

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