Hausses de taux du FOMC aux États-Unis et répercussions sur les emprunts en dollars américains

2 mai 2022 - 6 minutes

Comment la hausse des taux prévue de la Réserve fédérale américaine pourrait-elle avoir des répercussions sur les emprunts en dollars américains? Nos analystes examinent les répercussions potentielles sur le resserrement quantitatif (RQ), les marchés des changes et les titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) avant l’annonce au sujet des taux.

Photo extérieure de l’édifice de la Réserve fédérale américaine.
Selon toute vraisemblance, le Federal Open Market Committee (FOMC) des États-Unis annoncera une hausse du taux des fonds fédéraux de 50 points de base à sa réunion de mai. On en a énormément parlé, et le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell lui-même, a récemment reconnu que la hausse serait à l’ordre du jour.

Survol macroéconomique

Cette décision est conforme à nos attentes et elle découlerait aussi du fait que, déjà en mars, « de nombreux participants auraient préféré une hausse de 50 points de base », n’eût été l’incertitude à court terme créée par le conflit entre l’Ukraine et la Russie.

Dans ce contexte, nous croyons que les marchés se concentreront sur autre chose, en particulier sur toute indication concernant la direction de la politique à court terme de la Fed des États-Unis. Nous nous attendons à ce que M. Powell fasse bien comprendre que le Comité est prêt à accélérer le rythme des hausses de taux d’intérêt, l’objectif étant un retour vers une orientation de la politique monétaire plus neutre avant la fin de l’année.

Les plans de réduction du bilan occuperont également le devant de la scène. Plus précisément, des plans de resserrement quantitatif (RQ) seront probablement annoncés à la réunion de mai et mis en œuvre à compter du 1er juin, avec une période de mise en place progressive de trois mois. Notez que le RQ ne sera pas une politique « active », se produisant en arrière-plan, car les taux directeurs demeurent le principal outil dont la Fed dispose pour réagir à l’évolution des perspectives économiques.

Le RQ se poursuivra jusqu’au premier de l’un des scénarios suivants :
  • constatation de signes de rareté au niveau des réserves du système bancaire;
  • début de la réduction des taux de la Fed.
Étant donné que nous sommes d’avis que la Fed sera en mesure d’effectuer un atterrissage en douceur, nous nous attendons à ce que le RQ se poursuive jusqu’à la fin de 2024, date à laquelle nous pourrions voir certains signes de rareté au niveau des réserves. À ce moment-là, la Fed ralentira vraisemblablement le rythme du RQ avant d’y mettre fin complètement. Selon nos estimations, la réduction des titres du Trésor américain et des titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) se chiffrera au total à 500 G$ US en 2022 et à 950 G$ US en 2023 et en 2024.

Un relèvement des taux de 75 pdb est-il une possibilité réelle?

Bien que les conditions financières se soient resserrées depuis le revirement marqué de sa politique monétaire, la Fed dispose encore d’une marge de manœuvre étant donné que sa politique, en chiffres absolus, demeure accommodante malgré la récente flambée des taux réels, l’élargissement des écarts de taux et la baisse des actions. À notre avis, la Fed fait volontiers preuve d’une plus grande franchise à l’égard de sa position en matière de politique monétaire à court terme afin que les marchés continuent d’intégrer ses indications de politique plus ferme et le resserrement des conditions financières tandis que l’orientation de sa politique retrouve un niveau neutre.

C’est un exercice d’équilibre difficile que la Fed devra réaliser, car celle-ci veut que les conditions reflètent le fait qu’il faut s’attendre à un resserrement rapide de la politique monétaire (surtout à un moment où l’économie demeure forte), mais en même temps, le Comité ne veut pas que ce resserrement aille trop loin au-delà du niveau neutre si l’inflation ou la croissance montre des signes de changement.

Voilà la principale raison pour laquelle nous ne nous attendons pas actuellement à ce que la Fed accélère le rythme de relèvement au-dessus de 50 pdb par réunion. La Fed ne veut pas brusquer les choses pendant qu’elle relève les taux des fonds fédéraux en vue d’atteindre un niveau neutre afin de mieux évaluer les répercussions du resserrement des conditions financières sur l’économie réelle.

Cela dit, il est peu probable que M. Powell renonce complètement à l’option de procéder à un relèvement de 75 pdb et la question lui sera probablement posée lors de la conférence de presse après la réunion. Ce n’est toutefois pas notre scénario de base, et nous constatons qu’aucun membre du FOMC n’a approuvé une hausse de 75 pdb comme scénario de base. M. Powell pourrait cependant approuver des hausses de taux consécutives de 50 pdb, ce qui servirait essentiellement aux mêmes fins.

Au bout du compte, nous nous attendons à ce que la Fed :
  • procède à une hausse de 50 pdb lors des réunions de mai, de juin et de juillet;
  • procède à une hausse de 25 pdb lors de chaque réunion entre septembre et mars;
  • cible un taux nominal final de 3,25 %.

Les clients inscrits peuvent lire notre analyse complète de l’annonce prévue des taux de la Réserve fédérale américaine sur notre portail Market Alpha Strategy

Répercussions sur les marchés des changes

L’empressement pour atteindre des taux des fonds fédéraux neutres pour contrer l’inflation est un élément clé de notre thème de « course au sommet » en matière de change. Cela signifie que bon nombre de banques centrales, et notamment la Fed, utiliseront la vigueur de leur devise pour compenser l’inflation des biens si cela signifie circonscrire les attentes à l’égard de taux neutres ou finaux. Heureusement dans le cas de la Fed, le dollar américain est un excellent amortisseur des pressions sur les prix provenant de l’étranger. Toutefois, la vigueur généralisée du dollar américain n’a récemment pas été assez ferme pour compenser la montée rapide de l’inflation des biens. Cette dernière est la pire depuis le début des années 1980, époque qui a été marquée par les hausses de taux de M. Volcker, ancien président de la Réserve fédérale américaine, et, plus tard, par le laxisme budgétaire sous la présidence Reagan.

L’écart entre l’inflation des biens et la vigueur généralisée du dollar américain devra être comblé, et la Fed souhaitera fort probablement constater une appréciation du dollar, surtout si cela améliore les chances de contenir les attentes à l’égard du taux neutre ou final. Dans ce contexte, il y a certainement lieu de maintenir une position ferme et la possibilité de procéder à des hausses de 75 pdb vu le caractère incertain des attentes à l’égard du taux final. Avec l’entrée en vigueur du RQ, il sera autrement dit exceptionnellement difficile de détrôner le dollar américain en tant que monnaie refuge sur les marchés des changes.

Répercussions sur les marchés des taux

Les marchés prévoient bel et bien une hausse de 50 pdb et l’annonce du RQ à cette réunion. Étant donné qu’aucun résumé des projections économiques ou graphique à points n’a été publié lors de cette réunion, la réaction du marché dépendra du sens de la communication et de la conférence de presse de M. Powell concernant quelques éléments inconnus :

  • Dépassement du taux des fonds fédéraux au-dessus du niveau neutre et tolérance pour une inflation supérieure à la cible : Bien qu’il y ait au sein de la Fed un remarquable consensus quant à l’atteinte du taux neutre (qui selon la plupart des membres du FOMC se situe entre 2 % à 2,5 %), il n’existe guère de consensus sur l’ampleur du resserrement que la Fed doit effectuer pour ralentir l’inflation. Il est peu probable que M. Powell fournisse des renseignements très concrets, mais s’il laisse entendre qu’un dépassement important du taux neutre pourrait être nécessaire, on peut s’attendre à une réaction musclée du marché.
  • Ventes de TACH : Le procès-verbal de la réunion du FOMC de janvier laissait entendre que la Fed pourrait envisager de procéder à des ventes de TACH une fois le RQ bien engagé. Nous ne nous attendons pas à ce que la Fed réalise des ventes actives, car nous croyons que les ventes auront un effet disproportionné sur les taux à long terme et le marché du logement.
  • Conditions financières : L’orientation de la politique monétaire agit sur l’économie par le biais des conditions financières. Par conséquent, il sera essentiel de voir la façon dont M. Powell qualifie les conditions financières. Différentes mesures ont donné lieu à divers degrés de resserrement des conditions financières, et il serait intéressant de voir exactement le niveau de resserrement que la Fed croit avoir eu lieu.
Il est peu probable que la Fed s’engage à l’égard d’une orientation politique outre l’objectif de relever les taux des fonds fédéraux dans les meilleurs délais en vue d’atteindre un niveau neutre. Étant donné les niveaux d’inflation exceptionnellement élevés et l’incertitude persistante entourant les perspectives d’inflation, la Fed choisira probablement de maintenir toutes les options possibles. Toutefois, nous croyons que compte tenu de l’augmentation des taux à long terme en raison du RQ, le resserrement des conditions financières devrait se poursuivre. De plus, les consommateurs devront composer avec un pouvoir d’achat plus faible en raison de l’inflation élevée et du freinage budgétaire. Cela pourrait entraîner un ralentissement des dépenses de consommation au cours des prochains trimestres, ce qui aiderait à plafonner la hausse des taux.

Photo de Gennadiy Goldberg


Directeur et stratège principal, Taux américains, Valeurs Mobilières TD

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Directeur et stratège principal, Taux américains, Valeurs Mobilières TD

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Directeur et stratège principal, Taux américains, Valeurs Mobilières TD

Photo de Mazen Issa


Stratège principal, Opérations de change (New York), Valeurs Mobilières TD

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Stratège principal, Opérations de change (New York), Valeurs Mobilières TD

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Stratège principal, Opérations de change (New York), Valeurs Mobilières TD

Photo de Priya Misra


Directrice générale et chef mondial, Stratégie liée aux taux, Valeurs Mobilières TD

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Directrice générale et chef mondial, Stratégie liée aux taux, Valeurs Mobilières TD

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Directrice générale et chef mondial, Stratégie liée aux taux, Valeurs Mobilières TD

Photo d’Oscar Muñoz


Vice-président et stratège, Macroéconomie aux États-Unis, Valeurs Mobilières TD

Photo d’Oscar Muñoz


Vice-président et stratège, Macroéconomie aux États-Unis, Valeurs Mobilières TD

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Vice-président et stratège, Macroéconomie aux États-Unis, Valeurs Mobilières TD

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