Le point sur les ménages canadiens : les difficultés persisteront tout au long de 2023

2 mars 2023 - 5 minutes
Une rangée de maisons nouvellement construites

L’année 2022 a été difficile pour de nombreux ménages canadiens, la Banque du Canada ayant annoncé un changement par rapport aux années de faibles taux d’intérêt. Bien que la plupart des ménages qui ont un prêt hypothécaire à taux fixe n’aient pas encore renouvelé leur prêt, ceux qui le renouvelleront en 2023 et en 2024 le feront à un prix nettement supérieur à leur contrat précédent. Cela continuera de faire augmenter le taux hypothécaire moyen des prêts en cours, même après que la Banque aura cessé le resserrement, ce qui se traduira par des paiements de dette plus importants et un ratio d’amortissement de la dette plus élevé en 2024.

Changement de cap en 2022

Les prêts hypothécaires à taux fixe représentent environ les deux tiers de la dette hypothécaire au Canada, mais les émissions de prêts hypothécaires à taux variable avaient bondi au cours des mois précédant les premières hausses. Les prêts hypothécaires à taux fixe sont devenus plus chers que les prêts à taux variable lorsque les marchés ont commencé à intégrer les hausses de taux de la Banque du Canada, et les simulations de crise rendant plus difficile l’admissibilité ont poussé les emprunteurs vers les taux variables. Les prêts à taux variable ont représenté plus de 50 % de l’émission totale de prêts hypothécaires de juillet 2021 à mai 2022, ce qui s’est traduit par une augmentation de la part des prêts à taux variable en circulation de 23 % à 32 % au cours de cette période.

Lorsque la Banque a commencé à relever ses taux en mars, les titulaires de prêts hypothécaires à taux variable ont vu leurs paiements d’intérêts augmenter de concert avec le taux du financement à un jour de la Banque. Les premières étapes du cycle de resserrement ont eu un léger impact – les ratios d’amortissement de la dette étaient bien inférieurs au sommet de 2019 à l’aube de 2022, et les bilans des ménages ont été atténués par des économies d’environ 360 milliards de dollars accumulées en 2020 et 2021. Toutefois, les renouvellements de prêts hypothécaires à taux fixe sur 5 ans comportaient une prime de 100 pdb en juin 2022 et en octobre, les ménages renouvelaient les prêts à taux fixe sur 5 ans pour 200 pdb de plus que leurs taux contractuels précédents.

Le rajustement se poursuivra en 2023

Au cours de l’année à venir, de nombreux ménages devront continuer à s’adapter à cette situation difficile, même si la Banque du Canada indique la fin probable de son cycle de resserrement. Nous avons largement dépassé le sommet de l’inflation globale, mais l’inflation de base persistante et le resserrement exceptionnel du marché de l’emploi devraient empêcher la Banque de réduire les taux d’intérêt jusqu’en 2024. Entre-temps, des prêts à taux fixe d’environ 275 milliards de dollars devraient être renouvelés au cours de 2023.

Nous nous attendons à ce que les taux hypothécaires demeurent historiquement élevés jusqu’à la fin de l’année. Les prêteurs canadiens n’ont pas encore tenu compte de la récente baisse des taux des obligations du gouvernement du Canada dans leur tarification des prêts hypothécaires à 5 ans, et nous pensons qu’il est peu probable que les taux des prêts hypothécaires fixes connaissent une baisse importante tant que la Banque du Canada ne sera pas beaucoup plus proche d’un assouplissement. Par conséquent, les ratios d’amortissement de la dette devraient continuer d’augmenter au cours de l’année, car les propriétaires renouvellent leurs prêts à taux fixe à un prix nettement supérieur à leur contrat précédent.

Dans l’ensemble, nous nous attendons à ce que les emprunteurs qui renouvellent leur prêt hypothécaire à taux fixe voient leur taux (et leurs paiements d’intérêts totaux) augmenter d’environ 35 % par rapport à l’an dernier, ce qui se traduit par des intérêts de 3,5 milliards de dollars de plus en 2023. Cela fait pâle figure par rapport aux 13 milliards de dollars d’intérêts supplémentaires pour ceux qui ont des prêts hypothécaires à taux variable, même si ces emprunteurs ont déjà vu l’ajustement avoir lieu au cours des 12 derniers mois. Toutefois, il convient de noter que les données sur les prêts hypothécaires de la Banque du Canada ne reflètent qu’environ 75 % des prêts hypothécaires résidentiels au bilan des ménages; il s’agit donc d’estimations de la limite inférieure.

Les ratios d’amortissement de la dette devraient encore augmenter

Le ratio d’amortissement de la dette des ménages n’a augmenté que de 0,14 % au deuxième trimestre de 2022 dans la première phase du cycle de resserrement de la Banque du Canada, mais les coûts d’amortissement de la dette ont commencé à augmenter davantage au deuxième semestre de 2022. Les paiements de dette totaux ont bondi de 5,6 % sur un trimestre (non annualisés) au troisième trimestre, les paiements d’intérêts ayant bondi de 16,2 %, faisant grimper le ratio d’amortissement de la dette de 0,5 pp à 13,97 %. Nous nous attendons à ce que le taux d’amortissement de la dette augmente de 0,5 pp à 0,6 pp au quatrième trimestre et à ce qu’il atteigne les sommets records (15,0 %) d’ici le premier trimestre de 2023, avant de remonter à 16,0 % d’ici la fin de 2023.

Les renouvellements de prêts hypothécaires à taux fixe continueront d’exercer des pressions à la hausse sur les paiements jusqu’en 2024, même avec une certaine modération des taux hypothécaires réels. Les prêts hypothécaires de 2 à 5 ans à renouveler en 2024 ont un taux fixe moyen de 2,95 %, ce qui est bien inférieur au taux auquel nous prévoyons que les ménages renouvelleront leur prêt l’an prochain. Toutefois, nous nous attendons à ce que le ratio d’amortissement de la dette culmine au premier trimestre de 2024, car les prêts hypothécaires à taux variable offriront un certain répit au deuxième semestre de 2024.

Les économies excédentaires et le moment de renouvellement des prêts hypothécaires offrent un allégement

Les importantes économies excédentaires accumulées tout au long de la pandémie contribueront à atténuer l’impact de l’augmentation des versements hypothécaires pour certains ménages. Depuis le quatrième trimestre de 2019, les ménages ont mis de côté près de 425 milliards de dollars en économies totales, ce qui est supérieur au total de la période de 2009 à 2019. Les taux d’épargne des ménages n’ont pas encore atteint leurs niveaux d’avant la pandémie – sauf durant la période de la COVID-19, le taux d’épargne de 5,7 % au troisième trimestre de 2022 était le plus élevé depuis le premier trimestre de 2013. La part du PIB nominal que représentent les dépôts bancaires demeure supérieure de 4,3 % aux niveaux d’avant la pandémie, ce qui se traduit par des économies supplémentaires de 120 milliards de dollars qui sont facilement accessibles. La détérioration de la conjoncture économique et la faible confiance des consommateurs pourraient dissuader les ménages de déployer ces économies au premier semestre de 2023, mais si elles ne sont pas utilisées, elles pourront quand même alimenter la reprise en 2024.

Un autre facteur atténuant l’impact des renouvellements de prêts hypothécaires est que 2017/2018 a été une période relativement calme pour le marché canadien de l’habitation. Les ventes de maisons à Toronto ont fortement reculé après l’introduction de la taxe sur les acheteurs étrangers en avril 2017, et les ventes de maisons existantes à l’échelle nationale ont encore une fois été touchées après l’adoption des simulations de crise au début de 2018. Par conséquent, il y a moins de prêts hypothécaires à taux fixe de 5 ans à renouveler en 2023 qu’au cours des deux dernières années.

Selon la Banque du Canada, le levier financier des ménages est l’un des principaux facteurs à l’origine de la transition vers une pause conditionnelle en janvier, ce qui devrait permettre à la Banque de garder le cap sur les ratios d’amortissement de la dette, alors qu’elle évalue l’incidence de son cycle de resserrement. Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada maintienne le taux de 4,50 % pendant l’année 2023, bien que les marchés entrevoient une probabilité plus élevée d’une nouvelle hausse maintenant après une série de données canadiennes et américaines plus solides. Étant donné que les ménages devraient subir des pressions de plus en plus intenses en 2023, à mesure que le resserrement des politiques se répercutera sur l’économie, le contexte pourrait être difficile si les taux d’intérêt devaient augmenter davantage en cas d’inflation plus persistante que prévu.

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Portrait de Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, VMTD

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