Conséquences du règlement T+1 dans les autres pays

avr. 04, 2024 - 20 minutes
Drapeaux de l’Union européenne, des États-Unis et du Canada flottant à l’extérieur d’un immeuble de bureaux

Dans cet article :

  • Les États-Unis vont passer au règlement T+1 le 28 mai 2024, et le Canada et le Mexique un jour plus tôt, le 27 mai. Ce changement va entraîner des difficultés pour les investisseurs mondiaux, car les titres nord-américains, qui sont les plus nombreux au monde, seront alors réglés un jour plus tôt que la plupart des autres titres du monde.
  • Les clients et les courtiers devront valider les opérations au plus tard à 21 h HE, soit la nuit pour la plupart des entreprises situées hors de l’Amérique du Nord. Les fonds européens vont également faire face à des difficultés particulières, car bon nombre d’entre eux règlent leurs opérations selon le cycle T+3 ou T+4. La différence de date de règlement pour les actions américaines et les fonds de l’UE impliquera la nécessité d’une meilleure gestion de la trésorerie au cours des prochaines années.
  • Les coûts pour le secteur devraient augmenter (coûts liés aux échecs, fuites d’information sur les prêts de titres, baisse des revenus provenant des prêts de titres en raison des probables problèmes de stocks, et engagement du bilan pour le règlement non standard). Plusieurs de ces facteurs pourraient favoriser les gros acteurs du marché et pourraient augmenter la concentration côté achats et côté ventes.
  • Les CAAE dont les actions étrangères sous-jacentes se règlent selon le cycle T+2, les FNB non nord-américains qui détiennent des titres américains et toute autre opération impliquant une conversion de change seront confrontés à d’autres difficultés avec le passage au règlement T+1.
  • Malgré l’insistance pour que le Royaume-Uni et l’UE passent au règlement T+1 et s’alignent ainsi sur les États-Unis, ce changement ne semble pas vraiment prévu dans l’immédiat, en raison notamment de la situation politique, des autres priorités réglementaires de l’Europe et des divergences actuelles entre le Royaume-Uni et l’UE. Ces difficultés transfrontalières vont donc persister pendant un certain temps.

Le règlement T+1 pose des difficultés pour les États-Unis et l’Europe

Si le passage au règlement T+1 pour les titres américains le 28 mai 2024 va inévitablement entraîner des difficultés aux États-Unis (problèmes de stocks, échecs et autres difficultés), ces obstacles ne semblent en rien comparables à ceux anticipés par les investisseurs internationaux. Les gestionnaires d’actifs européens ont notamment soulevé des préoccupations liées aux fuseaux horaires. Le délai de traitement de l’appariement des opérations, la nécessité de préfinancer ou de régler à découvert les opérations de change impliquant des titres nord-américains, la gestion de la trésorerie, et le décalage de date de règlement des fonds et des opérations aux États-Unis vont provoquer une situation cauchemardesque.

À ce jour, toutes les tentatives de report de la mise en œuvre en vue de s’harmoniser avec les autres pays sont restées vaines et les organismes de réglementation américains maintiennent leur décision. Les États-Unis prévoient donc aller de l’avant avec le raccourcissement du cycle de règlement, et nous avons l’impression que ce sont que les investisseurs non américains qui vont en subir le plus les conséquences. Nous allons exposer ci-dessous quelques-unes des principales difficultés qui se profilent, leur incidence potentielle sur les investisseurs institutionnels et le contexte général de liquidité, ainsi que les réponses réglementaires européennes possibles à ce raccourcissement du cycle de règlement.

Examen de l’incidence d’une réglementation locale d’un point de vue mondial

Nous avons choisi de rédiger cet article en tant qu’équipe dédiée à la structure des marchés mondiaux, car nous savons depuis longtemps que les changements apportés actuellement à la réglementation locale ont des répercussions vastes à l’échelle mondiale pour les investisseurs. Nous avons opté pour une approche collaborative transfrontalière, même si les organismes de réglementation ne prennent pas toujours ce parti. Le meilleur exemple en est d’ailleurs peut-être le fait que la SEC ait choisi de mettre en œuvre ce règlement en mai, alors que, comme certains commissaires l’avaient souligné, il aurait été préférable d’attendre septembre pour que les États-Unis et le Canada assurent une mise en œuvre dans de bonnes conditions. Alors que les États-Unis, pays qui concentre le plus d’actifs à l’échelle mondiale, s’apprêtent à adopter le règlement T+1 avant la plupart des autres marchés, ce qui n’est peut-être pas la meilleure idée, nous cherchons, en tant qu’équipe dédiée à la structure des marchés, à aider les clients à composer avec les changements à venir et à expliquer aux investisseurs mondiaux leurs éventuelles répercussions

Des difficultés propres à l’Europe

Fuseaux horaires

Ce qui complique le plus les choses pour les investisseurs européens dans le fait que les États-Unis passent au règlement T+1, ce sont tout simplement les fuseaux horaires. En vertu de la nouvelle réglementation américaine, les courtiers devront valider les opérations au plus tard à 21 h HE. Bien qu’il s’agisse d’un changement important pour les investisseurs établis en Asie-Pacifique également, les agents locaux de ces derniers disposeront au moins de quelques heures le matin pour valider les opérations avec les courtiers. Les agents locaux chargés des opérations pour les investisseurs de la région EMOA, toutefois, devront travailler la nuit pour respecter la nouvelle heure limite. Certaines sociétés envisagent donc d’embaucher du personnel aux États-Unis ou de charger le personnel déjà en place aux États-Unis de s’occuper de ces opérations pour permettre l’appariement des opérations le jour même avec les courtiers américains

La différence de fuseau horaire pourrait avoir des répercussions plus importantes sur les petits gestionnaires d’actifs

Toutefois, il est important de reconnaître que toutes les sociétés ne peuvent pas se permettre de recourir à ces solutions. Ces dernières peuvent être plus difficiles à mettre en place pour les petites sociétés de gestion d’actifs. Comme nous l’avons déjà souligné dans cet article, cette réglementation semble privilégier les plus grands acteurs du marché, notamment les courtiers offrant des services de règlement non standard ou les sociétés côté achats qui tirent parti de leurs ressources internes à l’étranger pour faciliter cette transition. Bien que la décision du règlement T+1 aux États-Unis ne soit pas la première à favoriser les grandes sociétés, la concentration de l’exécution des opérations est déjà forte et s’accentue de plus en plus. Certains craignent que le passage au règlement T+1 entraîne une concentration accrue tant côté achats que côté ventes.

Changements pour la validation des ordres

Alors que la date d’entrée en vigueur du règlement à T+1 approche, nous avons constaté que certaines sociétés ne valident plus les ordres de la même façon qu’avant. De nombreuses sociétés choisissent d’apparier le jour même les ordres passés un par un plutôt que d’apparier toutes les opérations de l’entreprise à la fin du jour de bourse. Toutefois, une part croissante du volume total d’actions nord-américaines se négocie au cours des 15 dernières minutes de la journée. La négociation aux États-Unis et au Canada va donc naturellement être plus intense juste avant la clôture, car c’est à ce moment-là que les volumes et, de plus en plus, les activités institutionnelles ont tendance à être concentrés. (Le graphique ci-dessous présente les profils de volume des principaux indices nord-américains.) Il serait difficile d’atteindre les objectifs d’exécution et de gérer les problèmes de liquidité sans poursuivre la négociation après la clôture; bon nombre d’ordres resteront donc à traiter après 16 h HE.

Représentation graphique des volumes intrajournaliers 2023 : indices américains et canadiens

Solutions à envisager pour permettre les opérations en fin de journée : validation automatique des opérations grâce à l’IA

Les clients explorent diverses solutions pour permettre l’exécution des processus de fin de journée, notamment permettre à des dépositaires d’accepter automatiquement la confirmation d’un courtier au nom d’un client. Cette solution pourrait devenir problématique. La validation automatique de grosses opérations peut présenter un risque, et les courtiers font régulièrement de petites erreurs. Cette solution pourrait présenter plus de risques que d’avantages pour de nombreux clients et courtiers.

Nous avons également tous suivi de près les progrès réalisés dans le domaine de l’IA et l’impact que l’IA peut avoir sur le secteur de la gestion d’actifs et de l’exécution d’ordres. L’un des premiers domaines dans lesquels l’IA pourrait être adoptée semble être la compensation et le règlement. L’intelligence artificielle pourrait potentiellement repérer les anomalies et réduire le nombre d’interventions manuelles. Toutefois, il semblerait que l’adoption de l’IA générative au sein de notre secteur n’en soit encore qu’à ses prémices. Bien que cela puisse évoluer par la suite, nous devrons nous appuyer sur les technologies et les processus existants à compter du 28 mai.

Augmentation possible du nombre d’échecs en raison du raccourcissement du délai de traitement

Compte tenu du contexte actuel et du raccourcissement important du délai de traitement pour valider les opérations le jour même, nous nous attendons à une augmentation du nombre d’échecs et des coûts liés à ces échecs, tant côté achats que côté ventes. Une récente étude de DTCC a montré qu’en décembre 2023, seulement 69 % des affectations et des confirmations avaient été validées avant 21 h HE le jour de l’opération (heure limite pour le règlement T+1). Bien sûr, la situation ne sera peut-être pas la même le 28 mai. Néanmoins, si même une partie des 31 % d’opérations restantes échouent, car elles n’ont pas respecté la nouvelle heure limite d’affectation et de confirmation, nous pouvons nous attendre à un taux d’échec des opérations plus élevé. Si le client est responsable de l’échec, le courtier peut demander le versement d’intérêts afin de récupérer les frais qui lui ont été imputés par la société de compensation. Avec l’augmentation du trafic à la suite du passage au règlement T+1, les chambres de compensation examineront probablement les demandes un peu plus attentivement avant de les valider.

La SEC devra également surveiller ce processus de plus près. La règle 15c6-2 de la réglementation imposant le règlement T+1 exige que les courtiers établissent des politiques et procédures pour s’assurer que leurs clients institutionnels affectent, confirment et valident les opérations en temps opportun avant la fin du jour de l’opération. Bien qu’il n’y ait pas de disposition dans les règles de la SEC prévoyant des pénalités comme c’est le cas au Royaume-Uni, les échecs récurrents côté achats et côté ventes pourraient entraîner une augmentation des coûts, non seulement en raison du financement nécessaire pour un règlement prolongé ou raccourci, mais également en raison des frais de découvert ou des réclamations. Au vu des taux actuels, ces frais pourraient grimper rapidement.

Le règlement T+1 pourrait coûter 30 milliards de $ US au secteur

Dans un article publié récemment, Bloomberg estime que le passage au règlement T+1 pourrait coûter au secteur environ 30 milliards de dollars US (financement, frais, moins de prêts de titres, frais de change et divers autres coûts, ou pertes de rendement, associés à ce changement aux États-Unis). Cet article mentionne notamment qu’il pourrait s’avérer plus difficile ou coûteux d’emprunter des titres, car les activités de financement de portefeuille des entreprises pourraient être sous pression. Il pourrait donc être plus difficile de trouver des titres à emprunter.

Selon une récente étude Plato, 96 % des institutions interrogées ont déclaré que les problèmes de stocks étaient la principale raison des échecs de règlement. L’accélération des affectations ne résoudra pas forcément ce problème. Si, au lieu de résoudre les problèmes de stocks, le passage au règlement T+1 les exacerbe, nous pouvons nous attendre à ce que les coûts liés aux échecs augmentent, de même que les problèmes d’offre et de demande pour les prêts de titres.

Dans l’article de Bloomberg cité précédemment, les chercheurs estiment qu’environ 10 % d’emprunts supplémentaires pourraient échouer après la mise en œuvre du règlement T+1, ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts de financement des échecs. Autre point important soulevé dans l’article, les prêteurs de titres s’inquiètent de la possibilité que les rappels des titres prêtés, qui doivent respecter le règlement T+1, attirent l’attention sur une future vente d’actions. Cette potentielle fuite d’information est prise en compte dans l’estimation de 30 milliards de dollars US. Que vous soyez d’accord ou non avec les estimations de Bloomberg, il est évident que ce changement va entraîner des coûts, et plusieurs de nos clients se demandent, à juste titre, qui devra les assumer.

Comment le règlement T+1 aux États-Unis va-t-il fonctionner pour les fonds communs de placement européens ayant un cycle de règlement T+3 ou T+4?

Les investisseurs de la région EMOA pourraient être confrontés à un autre facteur de coût potentiel, car de nombreux fonds communs de placement européens fonctionnent sur un cycle de règlement T+3 ou T+4. Contrairement aux fonds américains, dont bon nombre règlent déjà leurs opérations selon le cycle T+1, et aux fonds communs de placement canadiens, qui règlent leurs opérations selon le cycle T+2 et qui vont passer à un règlement T+1,

de nombreux rachats et souscriptions dans les fonds britanniques et européens se règlent selon le cycle T+3 ou T+4. Leur cycle de règlement est donc déjà différent du T+2 en place dans la plupart des marchés boursiers mondiaux. Le passage au règlement T+1 aux États-Unis, où est détenue une part importante des placements de nombreux gestionnaires, pourrait exacerber ces difficultés. Aujourd’hui, les sociétés peuvent gérer le décalage entre le délai de règlement des fonds et des titres au moyen de facilités de crédit à court terme ou en détenant des liquidités pour combler les déficits de financement. Toutefois, dans un marché qui a connu une accélération spectaculaire au cours des dernières années, le fait de détenir plus de liquidités n’est peut-être pas une option avantageuse sur le plan concurrentiel et pourrait faire baisser le rendement. Dans certains cas, les liquidités pourraient même être plafonnées par la réglementation ou les mandats.

Certains fonds européens envisagent de passer à un cycle de règlement T+2

En prévision de l’adoption par les États-Unis du règlement T+1 et des discussions sur la possibilité du passage au règlement T+1 en Europe (voir la suite de l’article), certains fonds envisagent de passer à un cycle de règlement T+2. Même si cela maintenait l’écart entre le règlement des titres et celui des fonds à moins de 1 jour, ce changement ne se fera pas du jour au lendemain pour la plupart des fonds. La surveillance de l’administration des fonds varie d’un pays à l’autre en Europe, et il se peut que ce changement ne suscite pas beaucoup d’intérêt à court terme, d’autant que les marchés européens maintiennent un règlement T+2 pour le moment. Les sociétés qui font face à cette difficulté passeront donc probablement beaucoup plus de temps à gérer leur trésorerie au cours des prochaines années.

Le règlement prolongé : une solution à envisager pour gérer l’écart entre le règlement du fonds et des titres (avec des mises en garde)

Une autre solution qui peut être envisagée pour parer le problème du décalage actuel entre la date de règlement du fonds et des titres est le recours au règlement prolongé. Cette solution n’est pas réservée aux gestionnaires de fonds européens. Pour diverses raisons, les clients institutionnels peuvent choisir de recourir au règlement non standard partout dans le monde, et certains courtiers le proposent.

Le règlement non standard en tant qu’instruction permanente contrevient aux règles de la SEC

Toutefois, le règlement prolongé aux États-Unis ne réglera pas toutes les difficultés découlant du règlement T+1. Un courtier ne peut pas proposer un règlement non standard en tant qu’instruction permanente, car cela contrevient aux règles de la SEC. En fait, les courtiers qui proposent toujours des règlements non standards sur certains types d’opérations ou paniers pourraient être considérés comme proposant des instructions permanentes (ou presque) et faire l’objet d’un examen réglementaire.

Limites de la Reg-T : de combien de jours le règlement peut-il être prolongé?

Les règlements prolongés sont également soumis aux limites définies par la Regulation T, une réglementation américaine qui limite la prolongation des règlements. La limite actuelle est un règlement selon le cycle T+4. Toutefois, lorsque les États-Unis passeront au règlement T+1, la limite prescrite par la Reg-T passera au cycle T+3. Les règlements non standards peuvent également être considérés comme une incitation au Royaume-Uni ou dans l’UE, ce qui complique encore les choses en matière de conformité.

Les règlements non standards doivent être financés pour permettre les règlements hors cycle

Au-delà des obstacles réglementaires, le fait de proposer un règlement non standard nécessite un financement. Certains courtiers n’ont peut-être pas accès au montant de bilan nécessaire pour exécuter régulièrement des règlements hors cycle. D’autres sociétés peuvent décider de ne pas immobiliser une grande partie de leur bilan pour des opérations sur actions. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, le bilan devient plus précieux.

Possibilité d’effectuer ponctuellement des règlements non standards

En même temps, les marges de négociation ont diminué, et elles semblent s’amenuiser encore plus chaque année. Par conséquent, les règlements non standards seront probablement proposés ponctuellement pour un sous-ensemble d’opérations ou à un sous-ensemble de clients. Cette situation est lourde de conséquences, surtout que les problèmes de règlement et de financement peuvent avoir des répercussions là où les liquidités de contrepartie sont naturellement concentrées.

Encore une fois, il se peut que, tant du côté des achats que des ventes, le passage à un règlement T+1 favorise les sociétés de grande envergure. De toute évidence, cette situation n’est pas rassurante pour les très nombreux investisseurs qui recherchent des solutions constantes, car ces règles seront mises en œuvre d’ici quelques semaines. Nous anticipons également des périodes où la demande de règlements non standards dans l’ensemble du secteur augmentera considérablement :

  • Périodes de volatilité élevée
  • Jours de rééquilibrage plus importants (en juin pour l’indice Russell 2000 par exemple, ou lors des événements trimestriels du S&P 500)
  • Autour des jours fériés dans les autres pays que les États-Unis, où l’écart entre les dates de règlement aux États-Unis et ailleurs s’élargit

Ces périodes seront difficiles pour un certain nombre d’investisseurs et pourraient exacerber les problèmes d’offre et de demande, car les courtiers proposeront des règlements non standards aux gestionnaires d’actifs.

Les CAAE seront réglés selon le cycle T+1, mais les actions étrangères selon le cycle T+2

Nous avons déjà examiné de multiples difficultés dans cet article, mais ce n’est qu’une infime partie de ce qui nous attend. En effet, par exemple, les CAAE seront réglés selon le cycle T+1, tandis que, dans bien des cas, les actions étrangères sous-jacentes seront réglées selon le cycle T+2. Les FNB non nord-américains qui détiennent des titres américains feront face au même décalage de dates de règlement que les fonds communs de placement européens.

Les conversions de change compliquent le règlement des opérations sur actions nord-américaines

Comme nous l’avons déjà mentionné, un dernier défi unique que les investisseurs internationaux devront relever sera la conversion des devises nécessaire pour régler les opérations impliquant des actions nord-américaines. Les fonds européens, par exemple, sont souvent libellés en devises européennes, comme l’euro ou la livre sterling. Lorsqu’ils achètent ou vendent un titre américain, ils doivent donc effectuer une étape supplémentaire de conversion de devise.

Pour la plupart des clients, l’étape de change est effectuée après que le gestionnaire d’actifs a reçu une confirmation de l’opération sous-jacente. Le raccourcissement des délais de confirmation aura un impact sur l’étape de change et pourrait compliquer encore davantage le processus, ce qui aura un impact disproportionné sur les fonds non américains.

Il existe des solutions à ce problème potentiel, qui ont toutes un coût.

  1. La première consiste à préfinancer les opérations de change et à rectifier le montant après l’opération. Cela est toutefois difficile à appliquer, les opérations n’étant pas toujours prévues à l’avance. Généralement, les opérateurs de marché ne sont pas informés qu’un gestionnaire de portefeuille pourrait vouloir ouvrir ou modifier une position sur une action nord-américaine avant de recevoir l’ordre d’exécution.
  2. La deuxième solution serait de régler à découvert l’opération de change, avec un coût intégré au prix de change.
  3. Enfin, le fonds pourrait détenir des liquidités en devises étrangères (peut-être des obligations d’État) pour des besoins futurs. Cette stratégie pourrait contrevenir au mandat d’un fonds et nuire au rendement.

Le règlement T+1 pose également des difficultés pour le règlement des opérations avec le Canada et le Mexique

Pour finir, à l’échelle mondiale, nous savons que toute l’attention se porte sur la date de début du règlement T+1 aux États-Unis, à savoir le 28 mai 2024, soit le mardi suivant la fin de semaine du Memorial Day. Toutefois, il ne faut pas oublier que le Canada et le Mexique seront les premiers à mettre en œuvre le règlement T+1 en Amérique du Nord le lundi 27 mai, car ce jour n’est pas férié dans ces pays. Bien que ces marchés représentent probablement un pourcentage beaucoup plus faible des portefeuilles des gestionnaires d’actifs, ces derniers seront également confrontés aux mêmes problèmes de fuseaux horaires, d’appariement du jour au lendemain et de décalage entre les dates de règlement des fonds et des titres.

En Europe, le règlement CSDR et le contexte politique empêchent le passage au règlement T+1

La question suivante se pose alors naturellement : quand le Royaume-Uni et l’Europe apporteront-ils une solution réglementaire à ces problèmes? Malheureusement, comme l’a écrit récemment James Baugh, chef, Structure des marchés européens à TD Cowen, « en raison du règlement sur les dépositaires centraux de titres en Europe et des désaccords sur la question au Royaume-Uni, l’alignement sur le cycle de règlement aux États-Unis, qui va passer au cycle de règlement T+1 à la fin de mai, reste encore incertain ». Il ajoute que « l’Europe, le Royaume-Uni et la Suisse pourraient maintenir le règlement T+2 pendant encore longtemps ». Globalement, les discussions au Royaume-Uni semblaient évoquer le deuxième trimestre de 2026. Toutefois, la priorité étant de s’aligner sur l’Europe, l’annonce d’une date officielle a été repoussée. C’est aussi la position adoptée par la Suisse.

Le document de consultation de l’AEMF sur le mécanisme de sanction au titre du règlement CSDR retardera probablement les discussions sur le passage au règlement T+1 en Europe

En parallèle, la consultation de l’AEMF sur le mécanisme de sanction du CSDR lancée en décembre 2023, qui vise à réduire davantage les taux d’échec de règlement en Europe, va probablement retarder toute avancée réelle des discussions sur la date de passage au règlement T+1 dans l’UE. L’AEMF a fixé la date limite de réponse au 30 septembre 2024. D’ici là, les pays peuvent faire des recommandations concernant le mécanisme de sanction. Pour l’instant, la priorité reste donc le régime de sanction au titre du règlement CSDR.

Bien que le taux d’échecs de règlement des produits structurés comme les FNB ait baissé, il demeure relativement élevé. L’AEMF préfère commencer par réduire le taux d’échecs plutôt que d’aggraver la situation en passant au règlement T+1, et c’est compréhensible. Cependant, de nombreux acteurs estiment qu’un régime de sanctions plus sévère pénalisera surtout les investisseurs, qui devront assumer des écarts de taux plus importants et faire face à une liquidité potentiellement moindre dans les FNB, et n’améliorera pas réellement les taux de règlement. Il faut toutefois reconnaître que l’UE a d’autres priorités, concernant notamment la compensation et le règlement.

Le règlement T+1 pourrait arriver en Europe, mais ce n’est pas pour tout de suite

Cela dit, une table ronde a eu lieu à Bruxelles plus tôt cette année, au cours de laquelle les Européens ont évoqué pour la première fois l’éventualité d’un passage au règlement T+1 en Europe. D’ailleurs, c’est peut-être à cause de ces discussions précoces que le Royaume-Uni n’a pas donné de date officielle, car l’alignement avec l’Europe semble être une priorité pour de nombreuses parties prenantes au Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni a, toutefois, son propre lot de difficultés. D’après certains avis, les mises à jour du CREST en 2026 risquent de compliquer le passage au règlement T+1 au deuxième trimestre de 2026. Néanmoins, James Baugh a également mentionné qu’« un certain nombre de grandes banques pourraient être réticentes à s’aligner avec l’Europe, préférant que le Royaume-Uni passe plus rapidement au règlement T+1 sans devoir attendre que les 27 États membres se mettent d’accord sur la voie à suivre. Il est difficile de déterminer si ce discours est une manœuvre politique ou non. »

Pour l’instant, comme le passage au règlement T+1 n’est pas vraiment envisagé au Royaume-Uni ni en Europe, la priorité à court terme sera de trouver des solutions provisoires, notamment de gestion de trésorerie pour financer des cycles de règlement décalés, plutôt que de miser sur une meilleure efficacité ou sur l’automatisation des processus après la séance de bourse. Comme James Baugh l’a si bien dit, « au moins pour l’instant, comme aucune date n’a été fixée, cette situation pourrait s’avérer compliquée et potentiellement coûteuse pour l’Europe, et risque de durer un certain temps. »

Conclusion

Même si la situation sera difficile, nous sommes convaincus que les sociétés sauront s’adapter à ce nouveau modèle à venir en mai. Nous avons reçu plusieurs demandes de renseignements de la part de clients au cours de la dernière année et nous savons que les clients européens, en particulier, préparent cette transition. Ils réfléchissent aux problèmes de gestion de trésorerie et ont renforcé l’automatisation des processus de compensation et de règlement avant ce changement.

Malgré les difficultés évoquées dans cet article, les opérations vont continuer après le 28 mai. Nous avons voulu préciser les obstacles que va engendrer cette décision, en particulier pour les investisseurs internationaux. Les actions américaines constituent tout de même une part importante de nombreux portefeuilles et indices mondiaux. De plus, les États-Unis se trouvent à l’endroit le moins pratique sur la carte des fuseaux horaires pour initier avant tout le monde le raccourcissement des cycles de règlement.

Quel est le but de tout cela? Même si l’on espère que la compression du cycle de règlement aux États-Unis entraînera un assouplissement des exigences en matière de marge et de garanties et, par conséquent, apportera plus de liquidité, il ne fait aucun doute que cette réglementation a été adoptée en réaction au boom des actions-mèmes de 2021, comme l’a expressément indiqué le Gary Gensler, président de la SEC, dans son discours d’approbation de la réglementation T+1. Toutefois, nous savons que ce qui s’est produit pendant la frénésie des actions-mèmes, à savoir l’augmentation de la volatilité des actions individuelles qui a entraîné des appels de marge de la DTCC, puis a amené les courtiers à arrêter de négocier des actions individuelles, n’est pas au cœur de la plupart des problèmes de règlement.

L’activité de négociation d’actions individuelles a fortement diminué depuis la période d’engouement pour les actions-mèmes au début de 2021, lorsqu’elle a atteint un sommet estimé à 30 % du volume d’actions américaines. Malgré cela, la SEC concentre principalement ses efforts de réglementation sur la négociation de détail. C’est un point important à retenir pour la suite. La SEC envisage toujours d’adopter d’autres réglementations, comme la Regulation Best Execution et un nouveau régime d’unité de fluctuation, qui semblent également principalement axés sur l’amélioration de l’expérience des investisseurs particuliers aux États-Unis. Ces réglementations, comme le passage au règlement T+1, pourraient avoir de vastes répercussions pour les investisseurs institutionnels mondiaux.


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Chef mondiale, Structure du marché boursier, TD Cowen

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Head of European Market Structure, TD Cowen

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Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD

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