Aperçu à l’approche de la réunion de la BdC d’octobre : Faire fi de toute prudence

24 octobre 2022 - 5 Minutes
Image d’un immeuble canadien avec une horloge
En octobre, nous envisageons une hausse plus marquée de 75 points de base (pdb). Le gouverneur Macklem s’est déjà adressé aux médias à deux reprises ce mois-ci, délivrant un message sans équivoque quant à la fermeté de sa position. Dans son discours du 6 octobre, le gouverneur a soutenu que la Banque n’avait pas suffisamment de données en main pour envisager une approche plus équilibrée en matière de politique monétaire. En marge des réunions d’octobre du FMI, le gouverneur a, de façon préventive, minimisé l’importance des derniers chiffres de l’IPC, affirmant que la demande était clairement excédentaire au sein de l’économie, indépendamment des chiffres de l’inflation enregistrés au mois de septembre. Fait plus révélateur encore, le gouverneur a déclaré que, selon lui, un resserrement insuffisant représentait un plus grand danger qu’un resserrement excessif, ce qui corrobore l’idée que la BdC envisage un plus grand resserrement.

Nous ne pouvons que faire le lien avec les déclarations de Macklem en 2020, qui expliquait que la meilleure façon de faire face à une crise était de « l’écraser ». En 2020, les décideurs politiques ont évité une longue récession au prix d’une inflation plus élevée que prévu et d’une hausse fulgurante des prix de l’immobilier. Aujourd’hui, la BdC cherche à juguler la poussée inflationniste au prix d’une croissance négative prolongée du PIB par habitant et d’une récession probable au premier semestre de 2023.

La balance penche du côté de la fermeté

IPC du mois de septembre et les enquêtes de la BdC pour le quatrième trimestre constituaient les deux principaux rapports avant cette réunion. Les données de l’IPC semblaient inciter à une position plus ferme, plus en raison de la persistance de l’inflation de base (stable à 5,3 % sur 12 mois) et de l’ampleur accrue de ses répercussions (plus de la moitié du panier affiche une inflation supérieure à 6 % sur 12 mois) que de la hausse inattendue de l’inflation globale. En revanche, l’enquête récente de la BdC indique a) que les hausses de taux déjà en place commencent à faire sentir leurs effets sur la croissance et les mesures prospectives de l’inflation, et b) que les prévisions d’inflation à long terme demeurent équilibrées.

Dans la mesure où les résultats de l’Enquête sur les perspectives des entreprises et de l’IPC s’équilibrent plus ou moins, nous devons nous en remettre à la table ronde médiatique du gouverneur Macklem pour les départager. Le ton ferme du gouverneur le 14 octobre semble particulièrement saisissant à la lumière des données de l’enquête menée par la BdC. Les manchettes indiquent que Macklem a retenu les éléments des perspectives et des enquêtes qui soutiennent une position des plus fermes.

Cette position semble être un choix délibéré plutôt qu’une réaction aux chiffres. Les attentes du marché entrent également en ligne de compte, car en raison du contexte fragile des attentes en matière d’inflation, il sera difficile pour la BdC de créer la surprise avec une attitude conciliante, et les marchés prévoient maintenant un resserrement de l’ordre d’environ 70 pdb. Dans l’ensemble, les arguments penchent vers une évolution de 75 pdb. Ce n’est pas une certitude, mais tout indique que nous penchons davantage du côté des 75 pdb que du côté des 50 pdb.

400 pdb, puis une chute vertigineuse

En examinant la situation dans sa globalité, nous soutenons qu’il est plus judicieux de ralentir le resserrement de la politique monétaire à présent que la croissance ralentit, en particulier compte tenu de l’incertitude qui entoure la transmission de la politique monétaire à son niveau actuel (la dernière fois que la BdC a amené son taux au-delà de 3 %, c’était en 2008, alors que le ratio de la dette au revenu des ménages était moins élevé de 30 points de pourcentage). Par conséquent, nous prévoyons un ralentissement du resserrement pour atteindre seulement 25 pdb en décembre, ce qui portera le taux de la BdC à 4,25 % d’ici la fin de l’année. Même si M. Macklem n’est pas près de faire volte-face, il convient de rappeler que les déclarations des banques centrales ne durent jamais bien longtemps. En dépit de sa position ferme pour l’heure, M. Macklem pourrait se montrer plus mesuré d’ici le début du mois de décembre. Nous tablons sur un taux final de 4,25 %, bien que les risques augmentent naturellement, avant de prévoir une baisse des taux à partir du second semestre 2023.

Perspectives des devises

Selon nous, le dollar américain n’a pas fini de nuire au dollar canadien. La réaction du marché des devises aux derniers chiffres de l’IPC laisse penser que plus la BdC tente de contenir l’inflation, plus le risque de ralentissement macroéconomique est élevé et, par conséquent, plus le dollar canadien doit en tenir compte. De ce fait, même si M. Macklem créait la surprise en annonçant une hausse de 100 pdb lors de cette réunion, nous pensons qu’une réaction impulsive à la hausse pour le dollar canadien s’estomperait rapidement. Les deux dernières expansions majeures au Canada furent stimulées par les dépenses de consommation et les investissements résidentiels. Les espoirs que cela se produise cette fois-ci ont été annihilés par le cycle de resserrement le plus radical depuis l’adoption de la cible d’inflation dans les années 1990.

Le Canada risque d’en pâtir et le dollar canadien en sera le baromètre. À terme, nous estimons très probable que la paire dollar américain/dollar canadien se négocie au-dessus de 1,40, lorsqu’il apparaîtra évident que la BdC ne peut plus imposer de fortes hausses de taux à une population canadienne surendettée. Le dollar canadien perdra vraisemblablement encore du terrain lorsque la BdC ralentira son rythme de resserrement à mesure qu’elle se rapprochera de son taux final présumé.

La remontée du dollar canadien exigerait un assouplissement des facteurs d’appréciation du dollar américain, comme un virage de la Fed et certaines modérations de l’IPC de base d’un mois à l’autre. Aucune de ces deux possibilités n’est envisageable à court terme. Le billet vert poursuit sa tendance principalement à la hausse, même si nous pensons que les gains les plus simples ont déjà été réalisés .

Perspectives des taux

On se demande pourquoi la courbe n’est pas plus aplatie, autrement dit, inversée. D’un autre côté, de nombreux participants examinent le marché et considèrent que la courbe ne peut pas s’aplatir davantage. De notre point de vue, nous considérons les hausses de taux d’intérêt de ce cycle comme temporairement élevées et non représentatives des taux à long terme, car la composition de l’encours de la dette, tant au niveau des consommateurs que du gouvernement, ne peut tout simplement pas soutenir ces niveaux pendant plusieurs années sans répercussions importantes sur la croissance, ce qui entraînerait une désinflation et une baisse des taux d’intérêt.

Pour l’heure, nous constatons de nombreuses raisons techniques qui justifient une intensification de la pression exercée sur la courbe : fin d’exercice des banques canadiennes, sorties de capitaux, absence de besoin de prolongation selon l’indice et calendrier complet des adjudications du gouvernement du Canada en octobre. Toutefois, nous entrevoyons un mois de décembre très différent sur le plan technique, qui devrait ressembler à une réédition des déséquilibres de l’offre de juin et septembre, qui furent des catalyseurs déterminants pour déclencher et étayer la thèse de la surperformance du Canada que nous avons défendue (sensibilité accrue à la dette et variation importante de l’offre nette). Nous continuons de croire en l’aplatissement de la courbe et nous prévoyons de nouvelles inversions en raison des pressions macroéconomiques (la position ferme de la BdC à court terme et les excellentes données techniques de décembre).

Portrait d'Andrew Kelvin


Premier directeur et stratège en chef, Canada, VMTD

Portrait d'Andrew Kelvin


Premier directeur et stratège en chef, Canada, VMTD

Portrait d'Andrew Kelvin


Premier directeur et stratège en chef, Canada, VMTD

Portrait de Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, VMTD

Portrait de Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, VMTD

Portrait de Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, VMTD

Portrait de Chris Whelan


Premier directeur et stratège principal, Taux, VMTD

Portrait de Chris Whelan


Premier directeur et stratège principal, Taux, VMTD

Portrait de Chris Whelan


Premier directeur et stratège principal, Taux, VMTD

Headshot of Mazen Issa


Premier directeur et stratège principal, Opérations de change, VMTD

Headshot of Mazen Issa


Premier directeur et stratège principal, Opérations de change, VMTD

Headshot of Mazen Issa


Premier directeur et stratège principal, Opérations de change, VMTD

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