Conversation avec Chris Krueger – Quoi surveiller avant les élections américaines
Invités : Frank McKenna Président suppléant, Valeurs Mobilières TD et Chris Krueger, directeur général, Macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, Groupe de recherche de Washington, TD Cowen
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 50, Frank invite notre collègue Chris Krueger à participer au balado pour aider nos auditeurs à s’y retrouver dans les huit prochains mois, jusqu’aux élections américaines de novembre. Nous couvrons beaucoup de sujets en 45 minutes, notamment l’importance de la politique étrangère dans les élections américaines, les pressions exercées par les démocrates sur le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pour qu’il limite les pertes civiles, la façon dont Joe Biden peut changer le discours sur l’économie américaine, la question de l’âge avancé des candidats, les difficultés judiciaires de Donald Trump et la possibilité pour les candidats tiers d’avoir un impact sur le résultat des élections. Enfin, Frank prend un moment pour évoquer l’héritage de son grand ami, l’ancien premier ministre du Canada, Brian Mulroney.
Ce balado a été enregistré le 18 mars 2024.
CHRIS KRUEGER : L’issue de l’élection sera probablement déterminée par ceux qui détestent les deux candidats. C’est le plus grand concours d’impopularité de l’histoire des États-Unis.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 50 de Geopolitics en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Ici Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD. J’ai le plaisir d’animer cette série de balados mensuels qui fait le tour du monde sur les plus importants enjeux géopolitiques du moment depuis le Canada, notre centre d’observation. Frank, j’espère que vous gardez la forme. Avant de recevoir nos invités du moisi, je dois vous demander : avez-vous jamais cru qu’on se rendrait à 50 épisodes?
FRANK MCKENNA : Je ne pensais pas qu’on en ferait cinq. Ça m’étonne de jour en jour et j’aime bien ça, Peter.
PETER HAYNES : C’est un plaisir partagé. Je le sens chez nos auditeurs, qui sont d’ailleurs toujours plus nombreux. Aujourd’hui, je suis très heureux – et Frank sûrement tout autant – d’accueillir de nouveau notre ami et collègue Chris Krueger, du Groupe de recherche de Washington de TD Cowen. Chris va nous guider au cours des huit prochains mois jusqu’au 5 novembre, date qu’on ne souhaite pas devenir tristement célèbre, mais qui pourrait être la plus importante de l’histoire des États-Unis. Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais Chris, êtes-vous prêt à relever le défi?
CHRIS KRUEGER : Certainement. Je suis ravi de participer avec vous au 50e épisode. C’est une page d’histoire qui se tourne.
PETER HAYNES : Est-ce que j’exagère en disant que le 5 novembre pourrait être la date la plus importante de l’histoire des États-Unis?
CHRIS KRUEGER : On a l’impression que chaque élection est la plus importante. Les enjeux sont énormes – c’est certain. Il reste 232 jours avant le 5 novembre. Au moment d’enregistrer cet épisode, 308 jours nous séparent du 20 janvier. J’espère que tout va s’éclaircir le mardi 5 novembre en soirée.
PETER HAYNES : Notre conférence a lieu le jeudi 7 novembre, et je sais que vous participerez à une table ronde géopolitique. J’espère juste qu’on saura clairement dès le jeudi qui a remporté les élections, et que ça mettra fin au cirque qui dure depuis quatre ans. Avant de plonger dans les élections américaines, Frank, j’aimerais parler brièvement d’un événement important à venir au Canada.
Le samedi 23 mars, le Canada va porter en terre le 18e premier ministre du Canada, le très honorable Brian Mulroney. Le premier ministre Mulroney était un bon ami à vous, Frank. Pourriez-vous revenir sur l’héritage qu’il nous laisse.
FRANK MCKENNA : On était de bons amis, et j’ai beaucoup de chagrin. On s’est parlé presque chaque semaine jusqu’à son décès. On avait beaucoup en commun : deux Irlandais catholiques issus d’une petite ville. Il avait fait ses études secondaires à Chatham, au Nouveau-Brunswick, dont j’étais le représentant à l’Assemblée législative. On a décroché notre diplôme de l’Université St. François Xavier, mais avec un certain décalage.
Dans les dernières années, on a dirigé des campagnes de financement à St. Thomas et à StFX, en plus de coprésidé la Conférence économique de l’Atlantique. J’avais tellement en commun avec lui et sa famille. Son décès m’a beaucoup touché. Son héritage est très positif. Je pense à certains projets, comme le pont de la Confédération, Hibernia et les routes à quatre voies qui sillonnent la majeure partie de la côte Est.
Certaines politiques publiques ont aussi transformé le Canada, comme la TPS, une taxe à la consommation très efficace dont aimeraient se doter tous les pays qui n’en ont pas. Il s’est élevé presque tout seul contre l’apartheid et a remporté la bataille. Il a lutté contre les changements climatiques en proposant un traité très populaire des deux côtés de la frontière sur les pluies acides. Il a négocié avec son grand ami Ronald Reagan l’accord de libre-échange initial, signé en 1988, malgré la vive controverse au Canada.
L’enjeu a même fait l’objet d’une élection. La population trouvait qu’on se rapprochait trop des Américains. La négociation en soi a été ardue. Au final, il a dû mettre en jeu sa relation avec Reagan pour obtenir une clause de règlement des différends, ce qui a permis de signer l’entente.
Puis, en 1992, il y a eu l’ALENA. Les gens n’imaginent pas l’ampleur de ses conséquences. Au départ, il devrait s’agir d’un traité bilatéral entre le Mexique et les États-Unis. Mais M. Mulroney a fait jouer son amitié avec George H.W. Bush pour obtenir un accord tripartite, qui est devenu récemment l’ACEUM, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.
Il a exploité son grand capital de sympathie pour mettre en place de nombreuses mesures qui ont toutes en commun d’avoir résisté à l’épreuve du temps. Voilà la marque d’une indéniable réalisation.
PETER HAYNES : Tout à fait. Tout le pays est en deuil. Le gouvernement canadien a annoncé qu’une chapelle ardente à Ottawa précéderait les funérailles d’État prévues à Montréal le 23 mars. Les drapeaux seront en berne entre la date du décès, le 29 février, et le 23 mars.
Frank, j’aimerais vous demander comment le Canada honore ses anciens premiers ministres à leur décès. Aux États-Unis, Jimmy Carter, âgé de 99 ans, reçoit des soins de fin de vie depuis un an et repousse les limites de la longévité. Malheureusement, il va nous quitter bientôt. Aux États-Unis, au décès d’un président, les drapeaux sont berne pendant 30 jours. Le gouvernement tient des funérailles d’État pendant cinq jours et décrète un jour de deuil national. L’État interrompt alors ses activités et les marchés boursiers sont fermés.
Je sais que le président a un certain pouvoir discrétionnaire. On lui demande au début de son mandat quelles sont ses volontés à titre posthume. Quoi qu’il en soit, est-ce qu’on en fait assez pour saluer le très honorable Brian Mulroney?
FRANK MCKENNA : Je pense que beaucoup de choses s’organisent spontanément. Mais, ça me paraît insuffisant lors du décès d’un premier ministre. Spontanément, on met en berne les drapeaux dans les provinces et à Ottawa. J’ai assisté à un match de hockey à Toronto et à Montréal cette semaine.
Dans les deux cas, on a rendu hommage au très honorable Brian Mulroney dans un moment de silence. Je me suis dit que c’était une bonne idée. Une chapelle ardente de deux jours est prévue à laquelle je vais assister demain à Ottawa. La dépouille sera exposée ensuite à Montréal avant les funérailles d’État samedi. On attend beaucoup de monde.
Brian Mulroney aurait adoré ça. Il a vécu une grande partie de sa vie politique sous le feu de la critique. Et j’ai eu l’occasion de le présenter lors de nombreux événements. Il m’a appelé avant le tout dernier pour me demander comment je me débrouillais avec ma présentation.
Je lui ai répondu que ça se passait très bien, mais que j’y allais peut-être un peu fort sur le compliment. Il m’a dit, « Frank, ne t’en fais pas. On ne reçoit jamais trop de compliments. Je suis capable d’en prendre. »
[RIRES]
Il aurait été vraiment touché par l’ampleur du deuil ressenti au pays. Ma femme et moi on s’est dit à la blague cette semaine que Brian aurait voulu partir plus tôt s’il avait su tout l’amour qu’il recevrait.
Mais pour conclure rapidement, non, on n’honore pas assez nos anciens dirigeants. On abandonne le titre « très honorable » au Canada, alors qu’on conserve « Monsieur le Président » aux États-Unis. Mais, au Canada, le titre n’est pas généralisé. Ce n’est pas requis par la loi. Je pense que c’est une erreur. Ça témoigne de bien peu d’égards. J’ai déjà organisé à la Banque des événements auxquels j’invitais l’ancien premier ministre John Turner.
Il prenait le métro avec une canne à ce moment-là. Il devait jouer du coude avec les autres usagers, se débrouiller pour trouver la salle de réunion. Personne ne s’occupait de lui; c’était vraiment gênant. Aux États-Unis, les anciens présidents bénéficient d’une sécurité béton bien après la fin de leur mandat. Lorsque j’organise des événements avec d’anciens présidents, les services secrets nous contactent à peu près une semaine à l’avance et déploient un grand nombre d’agents pour protéger le président.
On honore aussi les présidents en donnant leur nom à des centres, ce qui sert également le pays. J’ai eu le plaisir de visiter le Kennedy Center, le Clinton Center à Little Rock, en Arkansas, et le Carter Center à Plains, en Géorgie. Ils sont disséminés un peu partout aux États-Unis. Les présidents Bush ont leurs centres au Texas. Il en va de même pour le président Reagan en Californie et le président Obama à Chicago.
Ces monuments renforcent la valeur emblématique des États-Unis pour les années à venir. Ici, on ne fait rien. Dans le cas de M. Mulroney, on a recueilli des fonds privés et créé un institut à son nom à StFX. Caroline, sa fille et moi avons mené la campagne de financement. Mais, à vrai dire, ce sont surtout les Américains qui ont mis la main à la poche; ils souhaitaient beaucoup plus préserver cet héritage que les Canadiens. Pour répondre simplement à votre question : non, on n’en fait pas assez.
PETER HAYNES : Vous avez tout à fait raison, et j’espère que les auditeurs en prennent note. Peut-être est-ce l’occasion de faire changer les choses. Frank, vous connaissez probablement le segment « You Blew It » présenté à la fin de l’émission TSN Sportscentre par Jay Onrait, qui fait un survol de toutes les bourdes commises par l’animateur.
Je vais devoir faire mon mea culpa. Lors de notre dernier épisode en février, j’ai déclaré que le président Poutine avait remporté les élections en Russie. J’avais de l’avance; le scrutin s’est tenu seulement la fin de semaine dernière. J’ai une nouvelle de dernière heure pour vous, Frank. Le président Poutine a été réélu, au cas où vous vous posiez la question. Je me doutais bien que vous seriez un peu surpris du résultat.
Mais Chris, sérieusement, l’invasion russe en Ukraine est l’un des nombreux enjeux importants en matière d’affaires étrangères, qui vont peser sur le scrutin aux États-Unis, tout comme l’approche du gouvernement américain à l’égard d’Israël et sa position par rapport à la Chine selon les candidats à la présidence.
En général, l’économie et les politiques intérieures scellent l’issue des élections américaines. Le stratège de Bill Clinton, James Carville, a déclaré, faut-il le rappeler, que les élections de 1992 s’étaient jouées sur « l’économie, stupide ». Croyez-vous que les affaires étrangères vont peser plus que d’habitude en 2024? Pouvez-vous esquisser le contexte historique entourant l’importance des enjeux nationaux par rapport aux enjeux étrangers durant les élections américaines?
CHRIS KRUEGER : D’accord. Je pense que la politique, comme la vie, s’inscrit dans un cycle. Vous avez mentionné que, en 1992, le président de l’époque, George H. W. Bush, espérait que les élections porteraient sur la guerre du Golfe. Les forces ont bougé, et la politique intérieure a pris le dessus sur la politique étrangère.
Dix ans plus tard, George W. Bush fils a remporté les élections de mi-mandat de 2002 surtout en raison des événements du 11 septembre avant d’être réélu en 2004 principalement à cause de la guerre en Irak. Les forces bougent constamment, mais elles évoluent à vitesse grand V depuis peu. Avant, le portefeuille dictait le vote des électeurs.
Mais maintenant, on dirait que c’est le choix du candidat qui détermine la satisfaction à l’égard du portefeuille. Bref, la perception de l’économie est largement influencée par l’allégeance politique, que ce soit à droite, à gauche ou au centre.
PETER HAYNES : En clair, diriez-vous que les forces en présence favorisent largement la politique étrangère dans l’élection actuelle?
CHRIS KRUEGER : Non. Je pense que toute cette vitesse déstabilise les forces en jeu. Je ne sais pas exactement où on en est. J’ai l’impression que les électeurs qui détestent les deux candidats risquent de déterminer l’issue des élections. On est en présence de deux des candidats les plus impopulaires de l’histoire des États-Unis. On parle probablement d’environ 10 % des électeurs non déclarés qui voient d’un mauvais œil tant le président Biden que l’ancien président Trump. C’est le plus grand concours d’impopularité de l’histoire des États-Unis.
PETER HAYNES : Oui. On va explorer plus avant dans les prochaines minutes comment tout ça risque de se jouer. Frank, faut-il considérer ces enjeux de politique étrangère comme un seul ou plusieurs dossiers, et pouvez-vous les classer selon leur influence sur le résultat de l’élection aux États-Unis?
FRANK MCKENNA : Je pense que les deux conflits sont tragiques et très déstabilisants. Dans une perspective mondiale, l’invasion russe en Ukraine me semble peser plus lourd pour une ou deux raisons fondamentales. On parle de deux des principaux pays producteurs de ressources naturelles au monde : pétrole, gaz, nickel, potasse, etc. Le conflit attise l’inflation et pourrait avoir des conséquences plus graves à l’échelle mondiale. Je parle du risque de guerre nucléaire – c’est peu probable, mais je ne voudrais pas que ça arrive – ou même des combats en Ukraine qui pourraient entraîner l’Europe de l’Est.
Le risque d’escalade est très élevé. Mais du point de vue de la politique américaine, je pense que le conflit au Moyen-Orient est plus important. Il y a de vastes diasporas aux États-Unis. Et elles sont très mobilisées. Chris en sait plus que moi à ce sujet, mais assurément certains États pourraient être affectés. Je pense au Michigan, peut-être même au Minnesota ou à d’autres, où les marges sont serrées.
Et je crois que ça fait encore plus mal aux démocrates. Les républicains, en particulier la frange évangéliste qui croit que le second avènement aura lieu en Israël, appuient fortement Israël et ne semblent pas agités par autant de dissension. Les démocrates – je pense à l’aile progressiste, à leurs partisans ainsi qu’à certains États comme ceux que j’ai déjà mentionnés – trouvent la situation très difficile sur le plan politique.
Je crois que les démocrates souffrent beaucoup plus du point de vue politique. Il faudra voir comment tout ça va influencer le résultat final. Si l’issue est serrée, tout ce qui pourrait influer sur le taux de participation au scrutin dans les États clés risque de faire pencher la balance.
PETER HAYNES : Frank, je n’arrive pas à croire que la Chine est absente de la liste. Trump parle d’une taxe de 10 % sur toutes les importations chinoises. Ça risquerait de gonfler l’inflation. C’est sans parler des tensions entre la Chine et Taïwan. Est-ce qu’on néglige la Chine dans les enjeux électoraux aux États-Unis?
FRANK MCKENNA : Je ne pense pas que ce soit un enjeu majeur, mais ça va se glisser dans le débat. Une partie de la rhétorique est dirigée contre la Chine actuellement. Ça pourrait devenir problème. Et puis il y a des déclarations comme celle de Trump cette semaine. Il ferait la vie dure aux usines automobiles installées au Mexique en leur imposant des droits de douane de 100 %. Bien des problèmes pourraient déraper au cours des prochains mois.
PETER HAYNES : Chris, je voudrais creuser un des sujets abordés par Frank concernant les Arabes aux États-Unis. Lorsque le Hamas a envahi Israël en octobre et tué plus de 1 000 civils, l’attention de la planète s’est tournée vers le Moyen-Orient et la riposte israélienne à cette terrible attaque contre d’innocentes victimes. Maintenant, c’est pour la vie de Palestiniens innocents que craint l’opinion mondiale.
Comme Frank l’a souligné, dans certains États pivots comme le Michigan, la population arabe pourrait influencer l’issue des élections. Le débat sur le soutien à Israël dans la campagne de Biden est-il assez important en soi pour faire basculer un État comme le Michigan?
CHRIS KRUEGER : Tout à fait. Il faut bien comprendre que c’est une élection nationale. Mais le mécanisme prévu pour élire le président et le vice-président repose sur le collège électoral, qui est fondé sur la population des États. Et ce dont on va parler jusqu’en novembre, ce sont les cinq États clés que Donald Trump a remportés en 2016 en battant Hillary Clinton, les cinq mêmes États que Joe Biden a décrochés en 2020 en défaisant Trump. Il s’agit de l’Arizona, de la Géorgie, du Michigan, de la Pennsylvanie et du Wisconsin.
Qu’est-ce que ces cinq États ont en commun? Ils accueillent beaucoup d’étudiants. La politique de l’administration Biden à l’égard du Moyen-Orient soulève la controverse sur les campus des collèges. La popularité du président Biden auprès des 18-24 ans est plutôt faible. Il y a aussi les candidats indépendants : Robert Kennedy Jr., Cornel West et Jill Stein, qui risquent encore de miner la base électorale de Biden dans les collèges.
L’autre problème est plus particulier au Michigan. L’État concentre deux des plus grandes populations arabes entre Détroit et Dearborn. Quand on fait le décompte, l’élection pourrait se jouer dans une fourchette de moins de 50 000 votes combinés. Oui, les marges sont importantes. Tout peut se décider sur une politique, le Moyen-Orient ou sur un facteur démographique. Oui, ça va être très serré. Et en ce moment, au Michigan, la campagne de Biden éprouve deux grandes difficultés.
PETER HAYNES : Frank, je voudrais poursuivre sur l’histoire très complexe du Moyen-Orient. On sait que l’ancien président Trump ne lit que la première page des notes qui lui sont transmises. C’est du moins ce que disent tous ses anciens conseillers. Croyez-vous que sa méconnaissance de l’histoire d’Israël pourrait nuire à l’ancien président Trump, vu que le sujet va être abordé dans les prochains mois?
FRANK MCKENNA : Ce qui sera encore plus important que sa méconnaissance de l’histoire, c’est son incapacité à séparer la politique publique de ses propres doléances. Dans le cas d’Israël, on devine facilement le point de vue de Trump. C’est un ardent défenseur de l’État d’Israël. Il déménagerait sans hésiter l’ambassade et il est considéré comme un allié indéfectible d’Israël.
En revanche, son animosité personnelle l’a conduit à critiquer vertement Nétanyahou pour avoir échoué en matière de renseignement et avoir autorisé les attaques. Il a vanté la grande intelligence du Hezbollah. Et si vous vous demandez pourquoi Trump adore Israël, mais déteste Nétanyahou, sachez que Nétanyahou a reconnu l’élection de Biden après un certain temps. Trump y a vu avant tout un geste déloyal.
Ensuite, les États-Unis ont mené une mission pour assassiner Qassem Soleimani et comptaient sur la participation d’Israël, qui a refusé. C’est une source de tension entre Trump et Nétanyahou. En fin de compte, le Parti républicain appuie sans réserve Israël, tout comme Trump, mais peut-être beaucoup moins Nétanyahou, le chef du gouvernement.
PETER HAYNES : À propos de Nétanyahou, que pensez-vous du discours devant le Congrès la semaine dernière du leader de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, qui a fait pression sur le leader israélien pour qu’il tienne des élections?
FRANK MCKENNA : J’ai trouvé ça surprenant et même choquant. On parle du plus haut dirigeant juif. Ce qu’il a cherché à faire dans ce discours, mais qu’on a peut-être moins relevé, c’est de distinguer Israël de Nétanyahou et de rappeler le soutien indéfectible envers Israël, tout en soulignant que Nétanyahou devrait déclencher des élections et se retirer de la scène.
Au final, pour répondre à votre question, je dirais que de plus en plus de pression s’exerce, de la part notamment de Schultz en Allemagne cette semaine et d’autres dirigeants internationaux, pour essayer de réduire les pertes civiles. Ce serait une motivation.
Mais, deuxièmement, je pense que c’est une question de politique intérieure. Le dossier tourne au cauchemar pour les démocrates, et leur base progressiste a beaucoup de difficulté à accepter l’approche des États-Unis. C’est peut-être une façon pour l’aile progressiste du Parti démocrate de montrer qu’elle tient tête à Nétanyahou.
PETER HAYNES : Oui. C’est parfois difficile de faire la part entre politique et vérité. Chris, de toute évidence, il est impossible de séparer complètement la politique intérieure de la politique étrangère, qui sont liées par le financement. Pouvez-vous informer nos auditeurs des dernières délibérations budgétaires au Congrès, qui conditionnent le soutien financier de l’Ukraine au déblocage de plus de fonds pour la sécurité à la frontière sud des États-Unis?
CHRIS KRUEGER : Oui. Le volet discrétionnaire du budget fédéral américain passe par le processus d’affectation de crédits. Douze projets de loi visent à financer les diverses agences, du Pentagone au département du Travail, en passant par la FDA, etc.
La moitié de ces projets de loi ont été adoptés. Les six autres, qui représentent environ 75 % des dépenses totales, demeurent en suspens. Pour l’essentiel, cinq d’entre eux sont ficelés. Le sixième pose plus de problèmes du point de vue des orientations politiques, mais aussi de la politique tout court. Ce projet de loi doit financer le département de la Sécurité intérieure, l’agence qui s’occupe entre autres de la frontière, en particulier entre les États-Unis et le Mexique.
En plus, il y a ce qu’on appelle la rallonge budgétaire, une enveloppe d’aide étrangère et militaire. Le Sénat, après un important vote bipartisan, a approuvé près de 100 milliards de dollars. L’Ukraine et Israël sont les deux principaux bénéficiaires de cette aide. Chaque enjeu divise chaque partie à sa façon.
L’aide à l’Ukraine divise les républicains. Les partisans de Trump sont contre, tandis que l’aile associée à Ronald Reagan et à George W. Bush est pour. Le soutien envers Israël divise le Parti démocrate s’il n’y a pas d’aide humanitaire pour Gaza et les Palestiniens.
Les six projets de loi devraient donner lieu à une résolution avant l’impression. Les dépenses militaires ont augmenté d’environ 3,2 %. Les autres dépenses sont demeurées stables. Le risque de paralysie du gouvernement est donc écarté jusqu’au 1er octobre, date du nouvel exercice. Un plan bipartisan d’environ 60 milliards de dollars sera probablement élaboré après le congé de Pâques pour financer les opérations en Ukraine, en Israël, à Gaza, à Taïwan, dans la mer Rouge et dans quelques autres endroits. On peut dire que la saga budgétaire de l’exercice 2024 est terminée.
PETER HAYNES : Vous n’avez pas mentionné la frontière sud. Il n’y a plus de lien?
CHRIS KRUEGER : Il va falloir attendre de voir à quoi ressemble le projet de loi de crédits du département de la Sécurité intérieure, mais le lien est plus ténu. Le sénateur Lindsey Graham rencontre le leader de l’Ukraine au moment d’enregistrer cet épisode.
Le compromis sur l’Ukraine pour que la Chambre adopte un projet de loi pourrait prendre la forme d’un prêt-bail dont la structure permettrait à l’Ukraine de bénéficier d’un coupon assez favorable, un peu comme certains des programmes du début de la Deuxième Guerre mondiale visant à contourner les mesures de neutralité des États-Unis. Quelque chose du genre représente sans doute la voie à suivre pour soutenir financièrement l’Ukraine.
PETER HAYNES : Évidemment, l’ancien président Trump en fait un enjeu électoral. À tout le moins, c’est comme ça qu’il positionne souvent la frontière sud. On devrait en entendre parler davantage dans les débats au cours de l’année. Frank, à tous points de vue, l’économie américaine tourne à plein régime. Elle surpasse presque tous les autres pays développés.
L’inflation baisse en même temps. Le chômage a atteint de nouveaux creux. Et le marché boursier américain, qui a déjà été la formule magique de Trump pour mesurer la prospérité, atteint des sommets. Pourtant, les Américains trouvent des raisons de critiquer l’économie, notamment l’inflation à l’épicerie. Frank, qu’est-ce que l’administration Biden peut faire pour changer le discours sur l’économie?
FRANK MCKENNA : D’entrée de jeu, je dirais qu’il faut prêter l’oreille pour entendre les messages. Aux États-Unis, comme on le sait, les Américains sont très polarisés en ce moment. Environ 30 % de la population ne reconnaît pas Biden comme le président légitime et croit que les élections ont été volées.
Il va être assez difficile de convaincre tout ce monde de voir Biden d’un bon œil. Je pense que le reste de la population est affectée par l’inflation. Les gens en ont assez. On a été confiné pour ainsi dire deux ans pendant la pandémie. L’inflation a pris de l’ampleur en partie en raison de la pandémie, mais surtout à cause de l’invasion russe en Ukraine. C’est un fait que les gens en subissent les contrecoups à l’épicerie. Et les taux d’intérêt n’arrangent rien.
Les taux d’intérêt vont finir par baisser, mais pas assez rapidement pour que le camp Biden en profite. Mais ça viendra en temps et lieu. Dès que les médias vont passer à autre chose, le pessimisme ambiant va se dissiper. Il est difficile de convaincre le public quand le moral est dans les talons. Et toute l’agitation politique entourant les élections embrouille énormément les messages.
PETER HAYNES : Chris, pour en revenir à l’importance des tiers partis dont on a parlé un peu plus tôt, on dirait que le parti centriste « No Labels » qui devait avoir à sa tête Joe Manchin n’ira pas plus loin que la rumeur. Toutefois, vous avez mentionné d’autres perturbateurs potentiels et je voudrais comprendre exactement en quoi les candidatures indépendantes de Cornel West et de RFK Jr. sont importantes.
Vous avez aussi fait référence à Jill Stein. Elle brigue actuellement la direction du Parti vert, je crois, et est en train de l’emporter haut la main. Elle a nui énormément à la campagne d’Hillary Clinton il y a plusieurs années. Comment ces trois personnalités vont-elles influencer l’élection actuelle?
CHRIS KRUEGER : Je vois. Autant ajouter à ça le parti No Labels; on ne sait jamais. Quoiqu’il s’agisse d’une organisation centriste. L’idée était de diviser le ticket entre un républicain et un démocrate, l’un en tant que président et l’autre en tant que vice-président. Au plus fort des tractations, il y a environ un an, on imaginait à la barre Joe Manchin, Mitt Romney, Huntsman, Sinema ou, à tout le moins, une candidature d’envergure.
Peu à peu, tous ces candidats, y compris Dean Phillips, qui faisait la lutte au président Biden pour l’investiture, et Nikki Haley, ont déclaré qu’ils se retiraient de la course pour ne pas favoriser l’ancien président Trump parce que ceux qui détestent autant Trump que Biden préfèrent souvent ce dernier, même si c’est par dépit.
Pas plus tard que lundi dernier, l’ancien lieutenant-gouverneur républicain de Géorgie a déclaré qu’il retirait sa candidature. No Labels devra décider de la suite des choses dans les deux prochaines semaines. Robert Kennedy Jr. devrait annoncer qui sera son vice-président la semaine prochaine. Kennedy a beaucoup d’argent et va figurer sur de nombreux bulletins de vote dans les États qui comptent.
Cornel West et Jill Stein vont aussi en récolter un certain nombre. Est-ce que l’un de ces candidats sera le prochain président des États-Unis? Non, certainement pas. En 1992, Ross Perot a fait bonne figure. Il a remporté presque 20 % des voix, mais aucun vote collégial. Pourtant, les marges sont très importantes. En particulier, West et Stein vont soutirer des votes au camp Biden. À mon sens, aucun électeur n’hésite entre Donald Trump et Cornel West.
Robert Kennedy Jr. est un cas particulier; il va certainement puiser des votes dans les deux camps. La campagne de Trump critique bien plus ouvertement Kennedy. À part publier une photo prise à la Maison-Blanche pour la Saint-Patrick avec à peu près tous les Kennedy encore vivants, Biden n’a pas fait grand-chose à propos de la candidature de M. Kennedy. Honnêtement, je pense que les candidats West et Stein représentent une menace plus évidente et actuelle pour Biden en puisant dans le bassin naturel de ses électeurs, compte tenu également du facteur géographique.
Si on remonte à 2016, le total des votes de Jill Stein au Wisconsin, en Pennsylvanie et au Michigan a dépassé la marge victorieuse de Trump dans ces trois États. Ça me semble l’un des plus grands obstacles pour Biden. No Labels, c’est un peu comme un cheval de spectacle. Mais en fait, West et Stein vont tirer l’attelage. Il faudra voir ce que la campagne de Biden peut faire pour limiter l’érosion au sein de sa base.
PETER HAYNES : OK. Je reviens sur Cornel West. Risque-t-il de se retirer ou va-t-il finir la course?
CHRIS KRUEGER : On est en politique. La fourchette des possibles est de l’ordre de 15 % à 85 %. M. West s’insurge en particulier contre la politique de Biden au Moyen-Orient. Est-ce qu’il pourrait y avoir une entente à l’approche des élections? Est-ce que quelqu’un comme Bernie Sanders pourrait tendre la main? West était un substitut d’envergure à Sanders lors des élections précédentes.
Je pense que les canaux de communication sont ouverts, mais est-ce que West pourrait tirer quelque chose de la plateforme politique lors de la convention? Il y a certaines impossibilités évidentes. Mais plus la convention va approcher, plus ces conversations vont devenir nécessaires.
PETER HAYNES : OK. Je reviens sur RFK, qui prétend que son vice-président pourrait bien être Aaron Rodgers, quelqu’un d’occupé le dimanche. Advenant le cas, c’est intéressant. Mais plus important encore, quelles sont les dernières nouvelles concernant le colistier de Trump?
CHRIS KRUEGER : On sait une chose : ce ne sera pas Mike Pence. C’est en fonction de la loyauté que Trump prendra cette décision, je crois. Pour Trump, le vice-président doit avant tout être loyal. Trump a déclaré qu’il ne choisirait plus un homme blanc. À mon avis, on est devant deux options. Trump peut choisir une femme. Je pense à Kristi Noem, la gouverneure du Dakota du Sud, à Sarah Huckabee Sanders, la gouverneure de l’Arkansas, et à Elise Stefanik, membre du Congrès pour le nord-ouest de l’État de New York.
Dans l’autre camp, il y a l’ancien secrétaire au Logement et au Développement urbain, Ben Carson, le sénateur Tim Scott et Byron Donalds, membre du Congrès pour la Floride. C’est un peu l’univers qui gravite autour de Trump. On ne sait pas trop, mais le temps presse; ça doit se décider avant ou pendant la convention le 15 juillet.
PETER HAYNES : Oui. On va surveiller ça de près. Frank, le débat sur l’âge avancé des deux candidats est devenu un sujet d’actualité. Jusqu’au discours sur l’état de l’Union, il y a quelques semaines, l’opinion publique demeurait favorable à Trump dans la remise en question de la capacité mentale du président. Pensez-vous que le président Biden en a fait assez pour apaiser ces craintes dans son discours plutôt enflammé sur l’état de l’Union?
FRANK MCKENNA : Peter, avant de répondre à votre question, j’aimerais revenir sur les propos de Chris. Au risque d’insulter les auditeurs qui appuient le Parti vert, je pense que c’est le comble de la folie pour le Parti vert de présenter un candidat contre Joe Biden.
Comme on disait là où j’ai grandi, « ils préfèrent se battre que gagner ». C’est la candidature des Verts qui a probablement coûté l’élection à Al Gore et à Hillary Clinton, et qui pourrait bien faire élire Donald Trump. Je ne comprends tout simplement pas comment des partisans de la lutte contre les changements climatiques peuvent agir de la sorte. Fin de la parenthèse.
Pour en revenir à votre question, je crois que ça n’a pas été inutile. Biden a fait très bonne figure lors du discours sur l’état de l’Union. Mais ce n’est pas tant le grand public qui a été rassuré que certains démocrates inquiets de l’âge de Joe Biden.
Ça leur a redonné une certaine confiance. Biden devra en faire beaucoup plus pour convaincre la masse des électeurs aux États-Unis. Les démocrates devront aussi montrer plus souvent Kamala Harris, la vice-présidente, et tâcher de prouver qu’elle peut remplacer le président si nécessaire.
On n’a pas réussi à bien la cerner au cours des trois dernières années et quelques. Elle doit jouer un rôle mieux défini qui la fera paraître plus présidentiable. C’est ce qu’on cherche à faire, semble-t-il. Mais ça va prendre beaucoup plus qu’un discours sur l’état de l’Union pour renverser la vapeur.
PETER HAYNES : Surtout s’il arrive encore à Biden de commettre des bourdes, de tomber ou de perdre le fil de sa pensée. C’est évidemment un problème. Mais on voit sur YouTube des vidéos de Trump qui oublie où il se trouve de temps en temps. Ça doit être difficile de maintenir son attention quand on fait campagne et qu’on est appelé à prendre la parole constamment. Quand on fait campagne, qu’on oublie où on se trouve ou qu’on doit marteler les mêmes idées, les choses peuvent s’embrouiller. Auriez-vous une anecdote à raconter à ce sujet?
FRANK MCKENNA : Quand on fait campagne et que trois ou quatre arrêts sont prévus par jour pour faire le même discours, il faut retenir le nom de l’endroit et du candidat et rejouer le même scénario. Un jour, en entrant à la maison, j’entends du bruit au sous-sol. Je descends, et je vois mon fils qui prononce presque mot pour mot mon discours devant un groupe d’amis. Comme il avait assisté à beaucoup de mes allocutions, il savait exactement ce que j’allais dire. Après un certain temps, les villes et les candidats défilent, et tout ça se mélange dans la tête. Et comptez-vous chanceux si vous vous souvenez que votre femme vous attend à la fin de la campagne. Ça devient étourdissant.
PETER HAYNES : Oui. Malheureusement, les commentaires et les médias sociaux font mal paraître la classe politique. Pourtant, c’est difficile de visiter autant d’endroits sans perdre le fil. Chris, si vous ne le saviez pas déjà, Frank est un ancien spécialiste de la plaidoirie devenu célèbre comme avocat de la défense au Nouveau-Brunswick durant sa carrière.
En fait, vous pouvez chercher sur Google la cause d’Yvon Durelle, surnommé le « Fighting Fisherman », pour savoir de quel bois se chauffait Frank à la barre. Quoi qu’il en soit, Frank a dit le mois dernier que s’il était l’avocat de Trump, il adoptera la même stratégie que son équipe de défense, c’est-à-dire gagner du temps. Les sondages montrent qu’un nombre important de républicains indécis ne voteraient pas pour un candidat reconnu coupable.
Chris, pensez-vous que Trump sera en mesure d’éviter une condamnation avant le 5 novembre?
CHRIS KRUEGER : Les probabilités augmentent depuis les dernières semaines. Permettez-moi de faire une distinction entre le droit criminel et le droit civil. Les avocats de Trump ont remporté beaucoup de succès, il faut bien le reconnaître, du point de vue criminel.
À un moment donné, 91 actes d’accusation étaient déposés dans quatre procès distincts. En mars, à New York, le procès lié au pot-de-vin versé pour acheter le silence d’une ancienne maîtresse devait commencer. La date pourrait être reportée en avril, sinon en mai. La cause du 6 janvier à Washington, DC, soumise par le conseiller juridique spécial devrait déjà être en cours. C’est remis au moins jusqu’en septembre parce que la Cour suprême a accepté d’entendre l’argument de Trump sur l’immunité présidentielle complète.
Cette décision de la Cour suprême a probablement aussi repoussé l’affaire des documents en Floride au moins jusqu’en septembre. Ensuite, en Géorgie, il y a l’affaire dans laquelle un juge a invalidé six des actes d’accusation, en plus d’interdire toute couverture média. Il faudra attendre au moins jusqu’en août pour connaître la suite.
En dehors du procès de New York, on voit difficilement comment les autres causes pourraient aboutir à une condamnation, compte tenu du calendrier réduit. Par contre, les avocats de Trump ont moins de succès du côté civil. On a consenti à ce qu’il verse une caution dans le cadre de la poursuite pour diffamation de Jean Carroll, mais, à la date d’enregistrement du présent épisode, il n’avait pas pu réunir la somme de près d’un demi-milliard fixée par la procureure générale de l’État de New York, qui envisage maintenant de saisir des biens à New York ou ailleurs. Les forces en jeu sont déstabilisées. C’est sans commune mesure. Mais du point de vue de la condamnation au criminel, la stratégie dilatoire est payante.
PETER HAYNES : Ça va être amusant. L’automne s’annonce chargé. Et pendant que vous écrivez, des cas pourraient être instruits devant les tribunaux en même temps que se tiendront les élections. Dites-moi, Frank, juste avant de terminer, est-ce qu’il y a d’autres pépites qu’on pourrait découvrir. On a retourné beaucoup de pierres dans cette conversation; les sujets ont été nombreux. Y a-t-il autre chose à l’approche des élections qu’on devrait surveiller et qui risque d’influencer le résultat?
FRANK MCKENNA : De fait, il y a quelques éléments intéressants. Premièrement, Mike Pence qui déclare ne pas pouvoir appuyer Trump. Ça fait maintenant environ 44 anciens membres du Cabinet qui disent à peu près la même chose. Je ne sais pas si ça va changer quoi que ce soit, mais je pense que c’est révélateur.
Ce qui m’inquiète – parce que je ne suis tout simplement pas d’accord sur le plan idéologique – c’est que Trump et Biden adhèrent pleinement au nativisme. Trump veut ériger un mur pour protéger le pays des fabricants mexicains et Biden s’oppose à toute mainmise de Nippon Steel sur l’acier américain. Le fait de marteler ces revendications n’apportera rien de bon.
Et brièvement, du côté des bonnes nouvelles, l’Irlande du Nord a élu un nouveau gouvernement. Les tensions semblent enfin vouloir se désamorcer entre protestants et catholiques. C’est une très bonne nouvelle, et c’est une autre étape de franchie. Il y a encore beaucoup à faire, mais c’est un pas de plus vers la réunification de l’Irlande. Et la Pologne a élu un gouvernement pro-européen beaucoup plus coopératif. De temps à autre, de bonnes nouvelles remontent à la surface, et celles-là en font partie.
PETER HAYNES : Si je me souviens bien, il y aura trois débats présidentiels, dont le premier aura lieu en septembre. Chris, corrigez-moi si je me trompe. Frank ou Chris, pensez-vous que les débats vont influencer le résultat de l’élection? Qui risque d’emporter la joute oratoire? Ou est-ce qu’on va simplement assister à du théâtre? Qu’en pensez-vous, Chris?
CHRIS KRUEGER : Oh, je serais très surpris d’assister à des débats. Il pourrait y en avoir un, mais je ne parierais pas que ça aille au-delà. Trump dit déjà qu’il faut organiser plusieurs débats. Pour le moment, je serais même surpris qu’il y en ait un.
PETER HAYNES : Je pensais que la loi l’obligeait. Ce n’est pas le cas?
CHRIS KRUEGER : Non. Il n’y en a pas eu entre Lyndon B. Johnson et le républicain Goldwater. Mon exemple ne date pas d’hier, mais non; il n’y a aucune obligation. Une commission organise les débats, en fixe la date, etc. Il y en a un de prévu pour le vice-président. Mais il y a un an, le candidat DeSantis se demandait s’il allait participer à un débat. Les conservateurs croient généralement que les débats avantagent le Parti démocrate parce que les modérateurs sont habituellement des journalistes qui sont plus à gauche que les républicains. Bonne chance pour trouver un modérateur qui va convenir aux deux camps.
Il faut se rappeler les débats Trump-Biden de 2020, même si on préférerait pour la plupart les oublier. On verra s’il y en aura un. Trump n’a pas participé aux débats chez les républicains. Et ses statistiques ont probablement augmenté par la suite.
PETER HAYNES : On a abordé beaucoup de dossiers politiques ce mois-ci. Je propose de terminer sur une note plus légère. Lors de nos discussions précédentes, Chris, j’ai appris que vous avez passé la plus grande partie de votre vie adulte à Washington et que vous étiez un partisan des Nationals de Washington. Dites-nous quel est votre pari supérieur-inférieur pour le nombre victoires des Nationals cette année. L’équipe joue dans l’Est, une division très difficile de la Ligue nationale.
CHRIS KRUEGER : C’est difficile à dire. D’abord et avant tout, je reste attaché à la Nouvelle-Angleterre, que ce soit les Nationals ou les Red Sox. Les Commanders de Washington ont un nouvel entraîneur. Ça va être bon pour le sport à Washington. Mais on ne sait pas trop s’il va falloir changer de stade. C’est toujours agréable quand les Nationals gagnent, mais ça n’est pas toujours joli.
PETER HAYNES : L’organisation compte de jeunes joueurs talentueux. Quand on en reparlera dans quelques années, vous serez peut-être un peu plus optimiste. Mais l’écart dans le pari supérieur-inférieur entre les Nationals et les Red Sox est probablement très mince parce que les Red Sox, malheureusement pour vous, mais heureusement pour moi, finiront probablement au dernier rang dans l’Est de la Ligue américaine.
Frank, ça m’amène à vous demander ce qui se passe au camp d’entraînement des Jays ce printemps. Qu’est-ce que vous aimez? Qu’est-ce qui vous plaît moins? Et êtes-vous parmi les cyniques qui pensent que la direction a cherché à faire oublier ses erreurs à la saison morte en mettant sous contrat Joey Votto?
FRANK MCKENNA : Je ne crois pas. Je ne suis pas enchanté par les décisions prises par la direction. Mais Joey Votto a toujours été un partisan des Jays, c’est un Canadien. Je pense qu’il veut terminer sa carrière avec les Jays, ou du moins faire de son mieux pour décrocher un poste. Il a frappé un coup de circuit à sa première présence au bâton; ça dit quelque chose du joueur.
Pour ce qui est de l’équipe, je ne suis pas allé au camp d’entraînement en raison des cérémonies organisées ici pour M. Mulroney. Mais j’aime beaucoup le jeu de Bichette. Guerrero frappe la balle avec aplomb. Kirk part du bon pied. Je pense que Turner pourrait devenir un atout pour l’équipe. Varsho donne tout ce qu’il a; il joue plutôt bien. Je pense aussi à Springer.
Voilà du côté positif. En revanche, Gausman bat de l’aile. Et Manoah aussi. On ne sait pas ce que ces deux joueurs vont faire et quand ils vont pouvoir aider l’équipe. Et Danny Jansen soigne une blessure; c’est la même qui revient tout le temps. Dès qu’il est atteint par un lancer, il se blesse au doigt ou ailleurs. Je m’inquiète un peu de notre profondeur derrière le marbre et au monticule. Mais je suis un éternel optimiste, Peter. Et ça commence dès le début de la saison.
PETER HAYNES : On commence toujours la saison sur un pied d’égalité avec les autres équipes. On occupe le premier rang en ce moment. Et espérons que, à notre retour dans un mois, on y sera encore. Chris, si vous voulez bien, on aimerait vous revoir après l’été, en novembre. Bien entendu, on va vous revoir en personne le 7 novembre à Toronto. Voilà tout pour le mois. Merci beaucoup, Frank. Merci beaucoup, Chris. Excellent.
CHRIS KRUEGER : Merci à vous.
FRANK MCKENNA : Merci.
[MUSIQUE]
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Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger s’est joint au Groupe de recherche de Washington de TD Cowen en août 2016 à titre de stratège à Washington. M. Krueger et le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen ont récemment été nommés premiers dans la catégorie Institutional Investor Washington Strategy, où le Groupe et lui ont été constamment classés au cours de la dernière décennie. M. Krueger publie le DC Download, un quotidien incontournable pour les gestionnaires de portefeuille de Wall Street qui veulent avoir un aperçu des principaux événements de Washington et de leur impact sur les marchés de capitaux. M. Krueger couvre les politiques macroéconomiques, fiscales et commerciales de Washington D.C.
Il a occupé des postes similaires au sein de Guggenheim Securities, de MF Global, de Concept Capital et de Potomac Research Group. Auparavant, il a travaillé pendant près de quatre ans à titre de haut fonctionnaire à la Chambre des représentants des États-Unis. Il a également participé à plusieurs campagnes politiques locales, étatiques et fédérales partout au pays.
M. Krueger est titulaire d’un baccalauréat de l’Université du Vermont et d’une maîtrise en relations internationales du King’s College London. Il fait des apparitions fréquemment à CNBC et à Bloomberg et est largement cité dans : The Wall Street Journal, FT, Axios, New York Times, Washington Post et POLITICO. Il prend également la parole régulièrement dans le cadre d’événements du secteur et de conférences, notamment la conférence mondiale du Milken Institute, la National Organization of Investment Professionals et la Bourse de New York.
Les documents préparés par le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen sont des commentaires sur les conditions politiques, économiques ou de marché et ne sont pas des rapports de recherche au sens de la réglementation applicable.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.