Rapport Canada Best Ideas 2025 : l’économie sur le fil
Par : Andrew Kelvin, Robert Both
sept. 16, 2025 - 8 minutes
Aperçu :
- Le secteur des ménages canadiens a fait preuve de résilience, mais il devra composer avec le risque lié aux révisions de taux hypothécaires à venir en 2026.
- Les principaux événements catalyseurs à venir comprennent le budget fédéral de 2025, les décisions relatives aux taux et la limite pour le renouvellement de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2026.
- Thèmes pouvant influencer les perspectives macroéconomiques au Canada :
- Incertitude quant aux droits de douane : Les perspectives sont assombries par la politique commerciale américaine.
- Mesures de relance budgétaire : Nouvelles dépenses promises par le gouvernement fédéral et politique budgétaire plus expansionniste
- Révisions de taux hypothécaires en 2026 : Elles constituent la plus grande source d’incertitude au pays, dans un contexte où le gouvernement cherche à réduire la proportion de résidents temporaires.
Le Canada entame la fin de 2025 dans un climat incertain. Des données subjectives sur le marché du travail et la croissance négative du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre indiquent une détérioration de la conjoncture économique, même si le secteur des ménages se montre néanmoins beaucoup plus résilient que prévu. Bien que nous entrevoyons un risque baissier, en raison de l’incertitude commerciale persistante et du ralentissement de la croissance démographique, la politique budgétaire pourrait offrir un contrepoids potentiel.
Événements catalyseurs et jalons à surveiller
- Fin octobre : Dépôt du budget fédéral de 2025
- Septembre, octobre et décembre : Décisions relatives aux taux de la Banque du Canada (BdC)
- Juillet 2026 : Date limite pour le renouvellement de l’ACEUM
- Septembre et octobre : Décision de la Cour suprême des États-Unis sur les droits de douane
Quels sont les principaux risques?
Aussi cliché que cela puisse paraître, l’économie canadienne fait face à une grande incertitude à l’amorce des derniers mois de 2025. L’état actuel de l’économie est plutôt faible. Le PIB s’est contracté au deuxième trimestre de 2025, et on prévoit une croissance à peine supérieure à zéro au deuxième semestre de 2025. Nous ne prévoyons pas de récession, mais la marge d’erreur est extrêmement mince. Puisque les pressions inflationnistes semblent s’atténuer, nous croyons que les conditions sont réunies pour que la BdC procède à deux autres baisses de taux cette année.
En outre, nous voyons trois principaux risques susceptibles d’influencer notre perspective :
- L’élargissement des répercussions des droits de douane
- Les nouvelles mesures de relance budgétaire
- Les révisions de taux hypothécaires en 2026
Dans une certaine mesure, plusieurs des risques qui pèsent sur l’économie pourraient s’aggraver ou s’atténuer. Pensons aux droits de douane : la relation commerciale entre le Canada et les États-Unis pourrait évidemment se détériorer davantage, mais il est aussi plausible que les deux pays puissent résoudre le récent différend. Il nous semble néanmoins probable que le plein effet des droits de douane américains ne se soit pas encore fait sentir au Canada, car les perspectives commerciales sont trop volatiles pour que les entreprises puissent s’adapter pleinement à la nouvelle réalité.
Les risques liés aux mesures de relance budgétaire sont doubles, en théorie, mais nous serions très surpris que le gouvernement accorde moins de mesures de relance que celles promises. Les récentes annonces gouvernementales laissent entrevoir un risque que les dépenses augmentent, plutôt qu’elles ne diminuent.
Le dernier risque concerne la santé du secteur de la consommation. Les dépenses des ménages canadiens se sont révélées plus résilientes que prévu ces 18 derniers mois, malgré des révisions de taux hypothécaires qui ont fait mal en 2024 et la forte baisse de la croissance démographique en 2025. Cela dit, une grande partie des prêts hypothécaires à faible taux doivent être renouvelés en 2025; le taux d’épargne élevé des ménages devrait offrir une marge de manœuvre, mais la prochaine série de révisions de taux hypothécaires pourrait peser sur les dépenses des ménages. Le bilan global des risques liés à nos prévisions penche légèrement vers le côté négatif de la balance.
Thème 1 : Incertitude liée aux droits de douane
Six mois après l’imposition des droits de douane, l’incertitude entourant la politique commerciale américaine continue de peser sur les perspectives économiques canadiennes. Même si les exemptions accordées aux marchandises conformes à l’ACEUM ont permis d’amortir le coup, le taux tarifaire en vigueur sur les exportations canadiennes devrait se stabiliser autour de 8 %, alors que de 60 % à 80 % des exportations canadiennes sont déjà admissibles à un traitement préférentiel. Avec un taux tarifaire effectif de 8 %, les exportations en dollars canadiens conserveraient un certain avantage par rapport à celles d’autres économies avancées, mais les comparaisons directes sont plus difficiles en raison des disparités entre les taux tarifaires suggérés par la politique et le taux effectif plus bas découlant des droits calculés. Il est toutefois difficile d’envisager d’autres baisses si les droits de douane dans les secteurs de l’automobile et des métaux demeurent au statu quo.
Les données économiques dégagent encore des signaux contradictoires quant aux répercussions des droits de douane. Prenons l’exemple des Comptes nationaux du deuxième trimestre de 2025. Les exportations nettes ont retranché environ 8 points de pourcentage à la croissance globale, mais on a observé peu de signes montrant que les droits de douane se répercutaient sur d’autres secteurs. Les dépenses réelles en machinerie et en équipement sont à leur plus bas niveau jamais enregistré (depuis 1981), mais les dépenses des ménages ont connu l’un de leurs meilleurs trimestres depuis la pandémie. Le PIB global aurait été beaucoup plus faible sans la résilience de la consommation des ménages ou des investissements résidentiels, sans parler de la hausse de 5 % des dépenses publiques.
Dans l’ensemble, il est évident que l’économie subit les contrecoups des droits de douane, mais cela ne signifie pas qu’une récession se pointe à l’horizon. Nous prévoyons une croissance nulle au troisième trimestre de 2025 et une légère hausse de l’activité économique au quatrième trimestre de 2025, portant ainsi la croissance du PIB du quatrième trimestre à seulement 0,4 % sur 12 mois. Pour mettre les choses en contexte, dans son Rapport sur la politique monétaire de juillet, la BdC prévoyait une croissance sur 12 mois de 0,7 % au quatrième trimestre de 2025, alors que la croissance sur 12 mois avait été de 2,3 % au quatrième trimestre de 2024. La résilience continue des ménages sera un thème clé à surveiller.
Le taux effectif des droits de douane en dollars canadiens sur les importations américaines est parmi les plus bas au monde (juin 2025)
Thème 2 : Mesures de relance budgétaire à venir
Le budget fédéral devrait être déposé en octobre, mais d’ici là, nous devons conjecturer sur l’évolution des priorités budgétaires du premier ministre du Canada ces derniers mois et sur les éléments de sa plateforme électorale qui se retrouveront dans le budget.
Selon nos calculs, 20 milliards de dollars canadiens de nouvelles dépenses pour 2025-2026 ont déjà été annoncés ou injectés avant le dépôt du budget, la défense représentant environ la moitié de ce total. Cela devrait faire dépasser le déficit de 2025-2026 à plus de 60 milliards de dollars canadiens, les réductions de dépenses compensant les engagements en matière de défense à partir de 2026-2027. Le passage à une politique budgétaire plus expansionniste devrait contribuer à un modeste rebond de la croissance du PIB en 2026.
L’élimination des obstacles au commerce interne sera une autre priorité du budget et des mises à jour budgétaires de 2025, mais elle devrait être au second plan par rapport aux nouvelles dépenses, tant en ce qui concerne le message que l’incidence économique. Malgré l’adoption du projet de loi C-5 à la fin de juin visant à simplifier l’approbation des permis pour les grands projets d’infrastructures et la création récente d’un Bureau des grands projets, nous ne voyons pas les dépenses fédérales en infrastructures comme un thème central en 2026. Sans s’engager dans des projets précis, le gouvernement a indiqué que les ports et les autres infrastructures de transport seront une priorité, surtout si certains de ces investissements peuvent être consacrés aux cibles de l’OTAN sur les dépenses secondaires.
Les besoins de financement du gouvernement du Canada ont fortement augmenté ces dernières années, alors que la stratégie de gestion de la dette 2025-2026 prévoit des émissions d’obligations totalisant 316 milliards de dollars canadiens pour l’exercice, une hausse par rapport aux 241 milliards de dollars canadiens de l’an dernier et aux 204 milliards de dollars canadiens de l’exercice 2023-2024. Les besoins de refinancement seront moins élevés l’an prochain, mais nous prévoyons tout de même des émissions de titres du gouvernement du Canada représentant environ 275 milliards de dollars canadiens pour l’exercice 2026-2027. L’offre massive de titres du gouvernement du Canada a été un thème clé sur le marché obligataire cette année, avec une accentuation de la courbe des taux entre les obligations canadiennes à 10 ans et à 30 ans et une sous-performance des titres à revenu fixe canadiens par rapport aux titres à revenu fixe américains. Si le budget à venir répond aux attentes, il est peu probable qu’un revirement se produise à court terme.
La hausse des dépenses publiques entraîne une hausse des émissions d’obligations
Thème 3 : Immigration – turbulences en vue
Selon nous, les droits de douane américains et les plans du gouvernement fédéral pour y faire face présentent des risques importants pour les perspectives canadiennes à l’aube de 2026, mais la plus grande source d’incertitude au pays demeure les perspectives d’immigration. Depuis 18 mois, le gouvernement s’est engagé à réduire la proportion de résidents temporaires à 5 % de la population totale. Les efforts commencent à porter leurs fruits, la proportion de résidents temporaires ayant diminué lors de chacun des deux derniers trimestres, mais le gouvernement est encore loin de sa cible après les révisions à la hausse du nombre de résidents temporaires en 2024.
Le nombre de résidents temporaires a diminué au cours de chacun des deux derniers trimestres, mais cette baisse demeure inférieure aux cibles officielles d’octobre 2024. Les sorties nettes devront augmenter d’environ 80 % par trimestre pour atteindre la cible annuelle de 445 000 fixée par le gouvernement fédéral. Même si cette cible était atteinte du troisième trimestre de 2025 au quatrième trimestre de 2026, il y aurait encore environ 2,3 millions de résidents temporaires au pays (5,6 % de la population), et cette proportion n’atteindrait 5,0 % qu’au milieu de 2027.
Les mesures en place ont déjà eu un effet notable en atténuant les pressions sur l’inflation des prix des logements, en réduisant l’offre de main-d’œuvre dans un contexte de faible création d’emplois et en contribuant (en théorie) à freiner la baisse de la productivité. L’inflation des loyers a ralenti de 3,3 points de pourcentage entre juillet 2024 et juillet 2025, enregistrant le ralentissement le plus marqué des 40 dernières années, et les loyers des nouveaux baux sont en baisse depuis octobre 2024. Les réformes en matière d’immigration ont contribué à prévenir l’accentuation de l’offre excédentaire sur le marché du travail. À son sommet de 2024, l’offre de main-d’œuvre augmentait d’environ 60 000 par mois et, si cette tendance s’était poursuivie en 2025, le taux de chômage aurait été de 8,1 % en juillet au lieu de 6,9 %.
Le ralentissement de la croissance démographique a coïncidé avec une forte accélération de la consommation par habitant, qui s’était contractée pendant six trimestres consécutifs (en glissement annuel) entre 2023 et 2024. Cela corrobore l’idée selon laquelle la croissance démographique n’était pas le principal moteur de la consommation, mais cette thèse n’a pas été entièrement vérifiée. Le ralentissement de la croissance démographique a aussi coïncidé avec une récente amélioration de la productivité, ce qui cadre avec le fait que les résidents temporaires représentent une part importante de la main-d’œuvre dans les secteurs où la production par heure travaillée est faible.
La proportion des résidents temporaires se rapproche de la cible de 5 %
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