Locutrice 1 :
Bienvenue à Insights de TD Cowen. Ce balado réunit des spécialistes qui offrent leurs perspectives et leurs réflexions sur ce qui façonne notre monde. Soyez des nôtres pour cette conversation avec les esprits les plus influents de nos secteurs mondiaux.
Hôte :
Merci de vous joindre à un autre épisode captivant de notre série de balados Comprendre la biotechnologie. Je m’appelle Yaron Werber et je suis analyste, Biotechnologie pour TD Cowen. Je suis très heureux d’être accompagné par Ricky Sun pour cet épisode intitulé Déployer des placements privés dans le secteur de la biotechnologie. Il va nous donner son point de vue sur la souplesse et l’innovation que permettent les placements privés pour structurer des transactions dans le secteur de la biotechnologie. Ricky Sun est partenaire à Bain Capital Life Sciences. Il est actuellement membre des conseils d’administration d’Emalex, d’ADARx et de Tenacia. Avant de se joindre à Bain Capital, il a été directeur du développement interne et de la stratégie à Biogen. Avant cela, il a été vice-président de BlackRock et analyste principal en santé à Citadel et Alyeska. Avant de devenir investisseur, il a été analyste pharmaceutique chez Lehman Brothers et Morgan Stanley. Ricky Sun a commencé sa carrière au poste de scientifique principal à Ironwood Pharmaceuticals, où il a participé à la découverte et au développement du médicament Linzess, utilisé pour traiter le syndrome de l’intestin irritable.
Ricky, c’est un plaisir de te recevoir. Merci de ta présence. Nous nous connaissons depuis 20 ou 25 ans, et je sais que tu as accompli beaucoup de choses au cours de ta carrière. Je crois d’ailleurs que l’acquisition de Mitsubishi Tanabe s’est conclue cet été. Félicitations pour cette transaction, parlons-en sans plus tarder.
Invité :
Merci, Yaron. J’essayais de cacher mon âge, mais tu as dévoilé mon secret. Oui, on se connaît depuis plus de 20 ans.
Hôte :
Voilà. D’accord. Remontons à février de cette année, en 2025. Il a été annoncé que l’équipe de Bain Capital Life Sciences a codirigé le placement d’actions de Mitsubishi Tanabe en collaboration avec Bain Private Equity. La transaction était évaluée à environ 3,3 milliards de dollars et je crois qu’elle a été conclue au cours de l’été. Peux-tu nous dire en quoi les actifs cliniques et commerciaux de Tanabe étaient attrayants pour votre équipe, et aussi comment cette transaction répond à votre stratégie globale en Asie?
Invité :
Je suis content que tu aies remarqué. Ce n’est pas une transaction courante pour une société américaine, mais il se trouve que le Japon a été un marché très important, tant du point de vue commercial que de l’innovation. Tu t’en souviens sûrement, dans les années 1990, peut-être même au début des années 2000, les sociétés pharmaceutiques mondiales se tournaient vers le Japon pour chercher des actifs. Par exemple, et je ne sais pas combien de personnes le savent aujourd’hui, Opdivo, l’un des inhibiteurs de PD-1 qui fonctionne le mieux, a été développé à l’origine par Ono Pharmaceutical au Japon. Donc oui, les sociétés pharmaceutiques japonaises peuvent développer des molécules très importantes. Dans notre cas, ce qui nous intéresse vraiment, c’est de trouver une grande société japonaise avec laquelle nous pourrons importer davantage de médicaments occidentaux au Japon, ce qui va à l’encontre des objectifs de certaines autres grandes entreprises pharmaceutiques japonaises. Il existe au Japon un phénomène de « perte de médicaments » ou de « retard dans l’accès aux médicaments »; environ 50 % des médicaments disponibles aux États-Unis, par exemple, ne le sont pas au Japon.
Cela s’explique en partie par le fait que les normes et exigences réglementaires y sont depuis longtemps très strictes. Mais les choses ont vraiment commencé à changer quand l’agence japonaise des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux, la PMDA, avec le soutien du gouvernement japonais, a dit qu’elle souhaitait résoudre ce problème. Dans ce contexte, nous avons eu envie de collaborer avec une entreprise que nous considérons comme étant à la fine pointe, tant sur le plan scientifique que commercial. À cette époque, Mitsubishi Tanabe était la division pharmaceutique de Mitsubishi Chemical Corporation, donc une filiale d’un grand conglomérat. Et c’est ainsi que Tanabe a été entièrement rachetée par Mitsubishi Chemical Corporation. Pour nous, c’est important parce que la société a une histoire de près de 400 ans. Elle s’appelait autrefois Tanabe Pharma et elle jouit d’une solide réputation comme pilier du marché japonais depuis tout ce temps.
Malheureusement pour eux, la société a vraiment souffert d’un manque d’investissements au cours des 10 à 15 dernières années dans cette structure de conglomérat. La direction de la division pharmaceutique en était consciente et recherchait le bon partenaire pour l’aider à redynamiser son moteur de découverte, mais aussi à le commercialiser au Japon et dans le monde entier. C’est là que nous sommes entrés en jeu. Il nous a fallu un certain temps pour y parvenir, mais nous sommes vraiment ravis maintenant que l’entente a été conclue. Nous avons aussi annoncé la mise en place d’une nouvelle structure de gestion supplémentaire, qui contribuera grandement à faire avancer ce projet à court terme.
Hôte :
Comment êtes-vous parvenus à une entente? Comme tu l’as dit, les transactions avec les sociétés pharmaceutiques japonaises prennent du temps, et il faut s’adapter à la culture, c’est très, très important. Ils sont venus vers vous, ou l’inverse? Adam et moi avons fait un voyage au Japon il y a plusieurs années et leur avons rendu visite, alors je sais que tu les connais depuis longtemps.
Invité :
Tout à fait. Comme tu as dit, et tu as raison, les choses prennent beaucoup de temps au Japon. Mais, heureusement pour nous, nous avons deux avantages. Premièrement, notre horizon temporel est très patient. Nous avons passé plus de cinq ans à perfectionner notre stratégie dans le domaine des sciences de la vie au Japon, et nous avons collaboré très étroitement avec notre équipe japonaise spécialisée dans les placements privés. Je ne sais pas si les gens le savent, mais les placements privés ont depuis longtemps une assez mauvaise réputation dans ce pays. Le marché a commencé à s’ouvrir il y a seulement 10 ans je dirais, et les Japonais ont commencé à comprendre que les placements privés peuvent créer beaucoup de valeur et générer des emplois pour le marché intérieur. Bain Capital en est la preuve. Je pense que nous sommes la société de capital-investissement pure la plus ancienne du Japon, et probablement l’une des plus importantes, avec plus de 60 employés à temps plein dans notre bureau de Tokyo.
J’ai donc collaboré avec notre équipe japonaise pendant les cinq dernières années pour trouver une plateforme intéressante à partir de laquelle nous pourrions construire. Nous croyions vraiment que ce serait Mitsubishi Tanabe, mais nous savions aussi qu’il nous faudrait un certain temps avant de pouvoir vraiment nous engager. C’est intéressant parce que tu as mentionné que tu as accompagné Adam, mon partenaire, et d’autres personnes lors de certains voyages pour rencontrer des sociétés pharmaceutiques japonaises. Nous n’y allons pas tout le temps. Et c’est justement pendant un de ces voyages que j’ai rencontré, il y a plusieurs années, un PDG intéressant d’une petite société de biotechnologie au Japon. Leurs produits ne m’avaient pas convaincu, mais j’avais trouvé que le PDG était vraiment impressionnant. Et quelques années plus tard, sans que je le sache, Aki Tsujimura-san est devenu président de division à Mitsubishi Tanabe. Nous avons donc noué des relations personnelles très solides avec l’aide de nos collègues japonais du bureau de Tokyo, qui ont eux-mêmes de très bonnes relations avec la société mère Mitsubishi Chemical. Nous avons ainsi pu travailler avec eux pendant environ trois ans avant de finalement conclure la transaction.
Hôte :
Félicitations! Je sais que ce genre de choses est difficile à réaliser. Cette opération a donc été menée conjointement par les placements privés et l’équipe des sciences de la vie. Comment collaborez-vous? Quelles sont les petites différences entre les deux fonds et les deux équipes? Et comment intégrez-vous ensuite ces éléments pour être beaucoup plus concurrentiel et fournir de meilleurs produits aux entreprises?
Invité :
Cette entente s’appuie vraiment sur la collaboration, dans le sens où nous dépendons l’un de l’autre pour qu’elle fonctionne vraiment et pour créer la valeur que nous cherchons. Ce n’était pas le premier placement d’actions d’un conglomérat que l’équipe des placements privés au Japon réalisait. En fait, elle en a réalisé trois autres. Les voici en quelques mots… À la fin des années 2010, l’équipe a collaboré avec le gouvernement japonais au placement d’actions de la division « mémoire » de Toshiba. Par la suite, elle a procédé à la même opération pour la division des métaux lourds d’Hitachi. Plus récemment, il y a eu l’entente pour les laboratoires d’Olympus, un autre conglomérat. L’équipe sait donc parfaitement comment effectuer ce type de transaction. C’est assez compliqué, surtout dans le contexte japonais. Deuxièmement, avec ces trois autres opérations de placement d’actions, l’équipe a beaucoup appris sur la manière de rationaliser et d’accroître l’efficacité de ces entités.
Et du point de vue de l’infrastructure, je ne pense pas que ce soit si différent pour Tanabe. Par contre, l’équipe ne s’occupe pas du volet scientifique, et c’est là où nous intervenons réellement. Il y a deux choses que nous pouvons améliorer. Premièrement, il faut vraiment être capable d’évaluer le développement clinique et la recherche avec une grande diligence. Deuxièmement, nous pensons aussi que nous serons en mesure d’assurer l’obtention de licences et le développement des affaires de manière très efficace, car cela consiste en grande partie à évaluer les actifs externes afin de déterminer ceux dont nous avons besoin. C’est donc grâce à cette relation symbiotique que nous nous sentons particulièrement bien placés pour y parvenir. Comme vous le savez, il y a beaucoup d’excellentes sociétés de capital-investissement qui pourraient aussi faire quelque chose comme ça. Les circonstances sont uniques, et les deux entités doivent atteindre la réussite.
Hôte :
Oui, absolument. Vous avez mentionné que la PMDA a récemment mis en œuvre certaines modifications réglementaires au Japon pour essayer de simplifier et d’accélérer l’approbation des médicaments. Les modifications réglementaires visent vraiment les indications orphelines, les consultations et la rétroaction précoce, et dans certains cas, visent à soutenir l’exclusivité pédiatrique et les indications pédiatriques, à offrir une certaine flexibilité pour les essais cliniques multiples et à fournir des conseils. Peux-tu nous parler de tout cela et nous expliquer comment les changements vont réellement vous aider à développer des médicaments plus rapidement?
Invité :
Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles, d’un point de vue macroéconomique, nous sommes vraiment emballés par le Japon et par notre capacité à faire ces choses en même temps que les autres essais menés à l’échelle mondiale. Autrefois, le précepte pour le développement de médicaments, en particulier s’ils provenaient d’ailleurs, était qu’il fallait mener une étude de phase 1 sur des bénévoles japonais en bonne santé. La PMDA s’assurait vraiment qu’il n’y avait pas de différences ethniques. Mais cela a causé un goulot d’étranglement. C’était une étape très contraignante pour beaucoup de sociétés occidentales, car le marché japonais, en termes de taille et de population, n’est pas aussi important que celui des États-Unis. Ainsi, s’il faut tout recommencer depuis la phase 1, il faut compter entre 8 et 10 ans. Et si vous recalculez la valeur actualisée nette, soudainement vous ne savez plus si vous pouvez soutenir ce type d’activité.
Donc, quand les choses ont changé, quand la PMDA a dit : « D’accord. Nous comprenons la nature du problème. Si les bons promoteurs, c’est-à-dire les entreprises, nous présentent un bon plan de développement, nous allons être flexibles. Nous sommes ouverts à l’idée de sauter l’étude de phase 1 sur des bénévoles japonais en santé pour vous permettre d’utiliser des données occidentales et de passer directement à la phase 2, et peut-être même à l’étude pivot. » Le jeu a vraiment changé, n’est-ce pas? C’est très important. Je dirais que pour les maladies orphelines, cela a plus de chances d’être accepté, car c’est tout simplement plus logique et ils se montrent très raisonnables. Pour les indications plus importantes, je pense que si on présente les bons arguments, ils seront dorénavant également très réceptifs.
Enfin, je dirais que le gouvernement japonais veut aussi encourager l’innovation. Par conséquent, si vous soumettez quelque chose qui est conforme aux approbations des États-Unis et du Japon, par exemple, vous obtenez une médaille spéciale. Il existe un mot japonais pour cela, [japonais 00:12:12], qui équivaut, en gros, à la désignation de médicament innovant. Vous obtenez non seulement la désignation, mais vous pourriez aussi obtenir des avantages du côté des remboursements et bénéficier de prix plus avantageux et durables. C’est un aspect très favorable pour les promoteurs, les entreprises qui font le développement.
Hôte :
C’est essentiel. J’aimerais qu’on parle rapidement de l’aspect culturel et des relations avec les sociétés pharmaceutiques japonaises. Je travaillais dans une entreprise qui avait un partenariat très fructueux avec l’un des grands laboratoires pharmaceutiques japonais. La nourriture est incroyable, visiter le Japon est incroyable, la culture est incroyable. Ce sont des choses qu’il faut comprendre pour conclure des ententes et établir des partenariats avec des entreprises locales. Peux-tu nous parler un peu de ce processus, et comment ça s’est passé?
Invité :
Oui, la nourriture est incroyable. Je te dirais que j’ai eu quelques « épisodes de formation ». Une chose qui m’a semblé vraiment importante par rapport à la formation, c’est qu’avant de commencer à travailler avec Mitsubishi Tanabe, j’ai repris mes études, il y a plus de 15 ans maintenant. Quand je travaillais pour Biogen, nous avions deux partenaires japonais qui sont aujourd’hui des noms bien connus dans le secteur de la maladie d’Alzheimer. Un de ces partenaires était Eisai, et c’était une vraie collaboration, n’est-ce pas? Pour y arriver, essentiellement, il faut avoir la bonne étiquette culturelle. Il faut savoir quand dire ou ne pas dire quelque chose, puis il faut aller au restaurant et tout manger. Je me souviens encore de l’un de ces soupers, dans un restaurant avec un ring de sumo. Habituellement quand on mange au Japon, il n’y a pas une grande quantité de nourriture, alors il faut tout manger.
Nous avons donc eu un repas de 12 services. Et à la fin, ils ont apporté deux autres planches de sushis, et c’était un problème. J’ai donc regardé à ma gauche, et j’ai dit à Steve, qui était à l’époque le chef du développement interne : « Steve, je pense que tu dois tout manger. Autrement, nous ne pourrons pas conclure l’entente. » Alors on s’est gavés et on a souffert, mais c’est ce qu’il faut faire pour conclure des accords avec les Japonais. Tout ça, c’est une blague, mais aussi la réalité. Mais quand on a commencé à travailler avec Mitsubishi Tanabe, je pense que cette culture commençait à s’estomper un peu, on était moins surveillés au restaurant. On a donc mieux réussi de ce côté! Et comme je l’ai dit, le chef de la division connaît bien l’occident et c’est aussi un bon ami. Alors il comprenait que les affaires étaient l’aspect le plus important, pas seulement la culture.
Hôte :
Bien, parlons maintenant de la Chine. En collaboration avec Primavera, vous avez participé à un investissement stratégique de 200 millions de dollars dans Avistone, une entreprise chinoise. Et récemment, votre équipe a participé à la création de Kailera, qui se concentre sur l’obésité. Les données semblent très bonnes, et c’est un actif prêt pour la phase 3. J’ai lu qu’ils encourageaient déjà la phase 3 dès la première étude menée en Chine. De manière générale, la Chine est en train de devenir une puissance beaucoup plus importante, un véritable acteur mondial, tant en matière d’innovation que de reproduction rapide des meilleurs médicaments. Pourtant, cela suscite beaucoup de méfiance. Il y a des préoccupations en ce qui concerne la politique. Je pense que le marché local chinois a encore beaucoup de difficulté à attirer des capitaux. Les prix sont bas. Peux-tu nous parler un peu de ce qui se passe en Chine? Pourquoi le pays est-il devenu un tel vivier d’innovation?
Invité :
Oui, je pense que c’est un sujet très actuel. On a l’impression que, ces deux dernières années, l’intérêt et la curiosité ont vraiment augmenté. Nous sommes présents en Chine en tant qu’entité commerciale et travaillons dans le domaine des sciences de la vie depuis environ 2018. Une fois encore, nous nous appuyons véritablement sur la force de notre partenariat avec notre équipe asiatique de capital-investissement, en particulier notre équipe chinoise. Nous avons étudié le marché pendant plusieurs années. Premièrement, tu as dit que la communauté d’investisseurs en capital de risque n’était pas aussi forte sur le marché chinois, et ne l’est toujours pas. Deuxièmement, en ce moment, ils pourraient probablement uniquement offrir des médicaments analogues ou peut-être des médicaments améliorés. Et troisièmement, la tarification n’est pas comme ici aux États-Unis. Vous auriez de la chance d’obtenir un dixième du prix du médicament. Alors, pourquoi continuer à y aller, et que cherchons-nous à faire?
Nous avions deux objectifs en tête. Ces hypothèses n’ont pas encore été prouvées, et c’est ce que nous voulions faire. Nous avons d’abord pensé que nous aimerions investir en Chine. Là-bas, les prix sont dix fois moins élevés, mais la population est très nombreuse. Quand nous avons investi dans Avistone à la fin de 2021 ou au début de 2022, nous avions étudié le marché pendant près de quatre ans. Nous recherchions un moteur d’innovation chinois qui peut créer des produits pouvant être commercialisés sur le marché chinois. Quatre ans plus tard, nous avons donc un médicament approuvé pour trois indications, et le deuxième médicament est aussi sur le point d’être approuvé. La combinaison des deux présente des données intéressantes sur la scène mondiale aujourd’hui. Pour nous, cette thèse commence à s’avérer.
Et comme c’est commercialisé, la progression initiale des ventes est très encourageante. Il s’agit d’une entreprise axée sur l’oncologie et le cancer du poumon, seulement les poumons, l’un des plus importants marchés. Nous cherchons vraiment à soutenir une entreprise, à disposer d’un ensemble d’actifs dans un domaine ciblé qui permet de créer une activité très intéressante, parce que le moteur d’innovation est très local et ils ont été capables de faire beaucoup. C’est une affaire qui s’est construite elle-même, ce n’est pas vraiment une acquisition. Tout ça nous semblait logique. Durant ce processus, j’ai appris quelque chose : il s’avère que les Chinois peuvent aussi innover, et ils peuvent le faire à une vitesse assez rapide et à un coût nettement inférieur à ce que nous pouvons faire ici. Ensuite, nous avons commencé à nous demander : « Que pouvons-nous faire ici pour tirer parti de ce genre d’avantage? »
Nous avons commencé à vraiment prêter attention à d’autres entreprises où nous pourrions être en mesure d’étendre l’innovation à l’échelle mondiale. Au cours de cette période, en 2023 et en 2024, nous avons réalisé deux opérations. La première avec Aiolos. Certains le savent peut-être, il s’agit d’un anticorps à action prolongée destiné au traitement de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique. Nous avons créé l’entreprise dans l’espoir de pouvoir commercialiser le médicament. Malheureusement, GSK a vu la même chose que nous, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un marché très important et d’un actif très intéressant. Ils ont acquis l’entreprise environ six ou sept mois après sa création. C’était un partenariat avec Hengrui. Après notre premier partenariat, nous sommes retournés les voir et leur avons dit : « Maintenant que nous avons travaillé ensemble une fois, nous aimerions beaucoup pouvoir renouveler cette collaboration avec vous. »
Nous sommes conscients que l’obésité est un marché très important, et que nous allons affronter certains des poids lourds du secteur. Mais nous estimons que, grâce à notre portefeuille d’actifs, à la solidité des données initiales que nous avions déjà, et à la molécule tête de série 9531, qui est injectable – vous avez mentionné les données des phases 2 et 3 en Chine – nous estimons que nous pouvons être concurrentiels sur le marché chinois. C’est pourquoi nous avons conclu une entente au milieu de l’année dernière, et aujourd’hui, Kailera est une entité pleinement opérationnelle qui compte de nombreux collaborateurs très talentueux. J’espère que vous pourrez demander à Ron Renaud, à qui vous allez parler plus tard, de vous parler de son expérience de travail avec un partenaire chinois.
Hôte :
Tout à fait. Ce sera l’épisode suivant, avec Ron Renaud, président et chef de la direction de Kailera. Avec Bain, vous investissez maintenant à l’échelle mondiale; et comme vous l’avez dit, en Chine et au Japon, vous investissez à l’échelle locale. Il semble donc que la stratégie secondaire consiste à se diversifier et à investir mondialement, ou à commercialiser certaines de ces molécules à l’échelle mondiale. Et Bain pourrait selon moi effectuer des rondes de financement privé, créer une nouvelle société, investir stratégiquement du capital de développement et bien sûr, lancer une scission. Quels sont, selon toi, certains des défis et des occasions, et quelles sont les différences entre la réussite et l’échec pour ces types de transactions?
Invité :
Bonne question. Maintenant que nous avons suffisamment de données et que nous avons investi dans plus de 80 entreprises, nous pouvons regarder en arrière et faire une analyse du rendement pour déterminer ce que nous avons réussi et ce que nous devons améliorer. Et je pense que si tu m’avais demandé il y a plus de neuf ans quelle était ma plus grande peur, j’aurais dit que je craignais simplement que certaines données cliniques soient erronées. Ça arrive encore. Mais finalement, ce n’est pas l’erreur la plus importante que nous risquons de faire. L’un des plus grands défis, et la chose où nous nous trompons le plus souvent, c’est au niveau de l’équipe. Les actifs, on peut les évaluer et y travailler fort. Une excellente équipe de direction, par contre, ne pousse pas dans les arbres et il n’y en a qu’un nombre limité. L’un des plus grands défis en 2021 et 2022 a été la prolifération de nouvelles entreprises en démarrage et l’absence d’équipes de direction performantes.
Et ce n’est pas facile. Même si nous essayons de créer beaucoup d’entreprises, il faut aussi trouver les meilleurs talents, et nous sommes en concurrence avec tous les autres de la même façon. Par conséquent, il nous arrive parfois de sous-optimiser une équipe de direction, et même les meilleurs actifs ne donnent pas de bons résultats dans ces circonstances. C’est donc l’un des principaux défis auxquels nous avons été confrontés. La deuxième chose, c’est l’inflation généralisée. Si tu m’avais demandé en 2015, quand le projet a commencé à prendre forme, quels seraient les coûts de la phase 1 à la phase 3, j’avais une assez bonne idée. Aujourd’hui, je peux dire qu’ils ont au moins doublé. D’où ça vient? Je dirais deux choses. Premièrement, la plupart d’entre nous font souvent appel à des tiers, comme des organismes de recherche sous contrat, pour nous aider à mener des essais cliniques et précliniques. Nous avons aussi besoin que des entreprises de fabrication et de développement nous aident à fabriquer le médicament.
Et ces personnes doivent protéger leur entreprise, ce qui fait en sorte qu’elles augmentent constamment leurs coûts. C’est donc ce qui se passe actuellement. Ensuite, j’ai l’impression qu’il y a toujours ce phénomène de marée montante qui soulève tous les bateaux. En ce qui concerne l’infrastructure générale, les coûts généraux et administratifs continuent d’augmenter. Et nous sommes tous assis dans les salles de réunion et aux comités de rémunération, et la blague est toujours la même : « Je n’ai encore jamais vu quelqu’un qui soit prêt à payer ses employés en dessous du 50e centile, jamais. » Qu’est-ce qui se passe après 10 ans, d’après toi? On va passer à 60 %. On ne va pas aller à 75 %, on est très disciplinés. Alors tout le monde passe à 60 %, soit 20 % chaque année. C’est une chose qui a été difficile. En conséquence, on a parfois d’excellents produits, mais à des évaluations très difficiles. Le rendement n’est donc pas aussi intéressant. Qu’est-ce qu’on fait alors? Certains de ces effets ont commencé à apparaître au cours des deux dernières années, je dirais.
Hôte :
Et cela se traduit par la flambée dont tu as parlé, puis par la dilution naturelle, et par la manière dont vous continuez à investir dans l’entreprise et à la soutenir. Si tu penses à ta carrière… On a parlé des facteurs de réussite et d’échec des entreprises. À bien des égards, ça se joue beaucoup au niveau de l’équipe. Sur la base de ton expérience, quels conseils donnerais-tu aux chefs de la direction?
Invité :
Tout à fait. Je dirais, choisissez votre équipe avec soin. Je pense que le chef de la direction ne peut rien faire tout seul. C’est vraiment le moteur de l’équipe. Je continue donc à insister sur le fait qu’il est vraiment important d’avoir la bonne équipe. C’est une grande chance d’avoir un groupe de personnes qui ont déjà travaillé ensemble, qui ont fait leurs preuves et qui ont obtenu de bons résultats par le passé. Je pense que c’est beaucoup plus difficile quand l’équipe n’a jamais travaillé ensemble. Ce n’est pas impossible, nous l’avons déjà fait, mais la barre m’en sera que plus haute. Deuxièmement, il faut être très, très discipliné à l’égard des dépenses. Vous devez savoir ce que vous pouvez réellement générer avec ce que vous avez avant de pouvoir lever la prochaine tranche de capital, qui est vraiment très compliquée à obtenir dans les périodes plus difficiles. Nous sommes dans l’une de ces périodes. Toutes les quelques années, il y a une période comme celle-ci, et on espère pouvoir la surmonter. Et il y aura aussi toujours une période plus optimiste, comme celle que nous avons connue il y a quelques années à peine.
Hôte :
Tout à fait. Et quelles sont les différences entre les réussites et les échecs au sein d’un conseil d’administration? Quel conseil donneriez-vous aux nouveaux conseils d’administration?
Invité :
Il existe deux types de conseils d’administration. Sur le plan structurel, il y a les conseils d’administration de sociétés privées et ceux de sociétés cotées. Ils ont tendance à être assez différents. Les conseils d’administration de sociétés privées sont souvent dominés par des investisseurs qui investissent dans ces sociétés, les sociétés de capital-risque et les personnes comme nous, si nous choisissons de participer. Alors que dans les conseils d’administration de sociétés cotées, on voit rarement des investisseurs, sauf dans des circonstances très particulières, et la plupart d’entre eux sont indépendants. Je crois qu’il y a des avantages et des inconvénients. J’ai l’impression que si les conseils d’administration veulent être efficaces, et cela vaut pour les sociétés privées autant que les sociétés cotées, il faut avoir des conversations transparentes. Il y aura des divergences d’opinions, d’un point de vue fondamentaliste. Je veux vraiment que tout le monde soit prêt à donner son point de vue, mais aussi à résoudre les différends pour aller dans la bonne direction. Ce que je ne veux pas voir, dans les mauvais conseils d’administration, ce sont des personnes qui sont des amies – du président du conseil, du chef de la direction, peu importe – et qui sont là uniquement pour faire partie du spectacle, pour ainsi dire. L’entreprise va traverser des moments difficiles. C’est vraiment important d’exercer son devoir fiduciaire.
À mon avis, il serait bien d’avoir quelques bons investisseurs dans les conseils d’administration de sociétés cotées, car cela représente vraiment l’intérêt des investisseurs et des actionnaires. Parce que si on y réfléchit bien, du point de vue du conseil d’administration, les membres indépendants n’ont pas suffisamment d’intérêts en jeu, pour ainsi dire, pour représenter vraiment l’ensemble des actionnaires. Je ne dis pas que tous les conseils d’administration devraient être comme ça. Mais ce que j’ai constaté quand j’ai siégé au conseil d’administration d’une société cotée, c’est que les autres investisseurs semblaient penser : « Bon, on peut dormir un peu mieux la nuit, car ces investisseurs veillent aussi sur nos intérêts. » Alors que du côté des sociétés privées, je trouve que nous avons parfois trop d’investisseurs. Nous n’avons pas vraiment l’expérience opérationnelle pour juger de ce qui est bon pour l’entreprise. C’est pourquoi je conseille toujours de faire appel à plus d’indépendants pour nous aider. Des personnes qui ont déjà fait le travail, les ex-chefs de la direction et anciens directeurs du marketing, par exemple. Ces personnes sont habituellement excellentes. Et je serais le premier à dire que je peux leur laisser ma place au conseil d’administration.
Hôte :
Absolument. Tu as aussi conclu de nombreuses transactions privées dans le domaine des biotechnologies. Peux-tu nous parler un peu des investissements dans les sciences de la vie? Quels sont les véritables occasions et les véritables défis actuels?
Invité :
On dirait que les gens pensent qu’il y a des défis partout en ce moment. Il s’agit surtout du financement, n’est-ce pas? Le financement privé est difficile et je dirais que les introductions en bourse, les PAPE, sont inexistantes. Ça dure depuis… Je ne sais pas. J’ai l’impression que ça ne fait pas seulement sept ou huit mois. De façon réaliste, ça fait plus de deux ans. Ça a été très difficile de ce point de vue. L’autre difficulté, pour les sociétés en démarrage du moins, c’est qu’en raison de l’essor de la Chine, on a observé un véritable changement dans la manière dont les grandes entreprises pharmaceutiques trouvent des partenariats intéressants, à bas prix. Par conséquent, les sociétés financées par le capital de risque qui sont encore à la phase préclinique, ou même au début de la phase clinique, se trouvent dans une position plus difficile. Elles doivent rivaliser non seulement avec leur voisin, mais aussi avec ceux qui sont de l’autre côté de l’océan. Il s’agit donc d’une dynamique très difficile pour elles. Quelles sont les occasions? Il y a bien sûr des occasions. Parce qu’il s’agit en fait d’un marché favorable aux acheteurs.
Si vous disposez d’un capital patient et que vous pouvez vraiment tenir pendant plusieurs années, tout en ayant une vision claire, c’est le moment idéal. Pourquoi? Parce que vous pouvez choisir le bon actif, vous associer à la bonne équipe de direction et avoir une vision à long terme. Au fait, nous n’avons pas besoin de renverser la vapeur à la phase 1, 2 ou 3, nous nous concentrons aussi à la commercialisation. Parce que finalement, ce qui compte pour nous tous, c’est de développer d’excellents médicaments et de les rendre accessibles aux patients. Et on le répète toujours à notre équipe : « Si vous faites cela, tout ira bien. Mais concentrez-vous là-dessus. »
Hôte :
C’est la priorité. D’accord. On va maintenant passer à ma partie préférée du balado, qui est un peu plus personnelle et humoristique pour vraiment apprendre à connaître l’invité. La première question que je vais te poser est la suivante : quelle est la compétence non scientifique qui s’est avérée étonnamment utile dans ta carrière d’investisseur?
Invité :
Je ne sais pas trop si c’est utile comme investisseur. Mais je dirais que l’une des choses pour lesquelles je suis vraiment doué, et que j’ai découverte assez tard dans ma vie, c’est que je peux boire beaucoup. Et je te dirais que si tu veux conclure des ententes au Japon et en Chine, tu dois être capable de boire beaucoup et de tenir debout une fois que tout le monde est par terre. Je ne savais pas que je possédais cette compétence quand j’étais scientifique, je l’ai découverte quand je suis entré à l’école de commerce à New York et que j’ai fréquenté chaque bar du campus de l’université.
Hôte :
Et voilà! Il y a probablement une plaque à ton nom quelque part. C’est toujours une bonne compétence à avoir. Mais cela a un prix : manque de sommeil et élévation du taux d’enzymes hépatiques. Si tu n’étais pas investisseur en biotechnologies, quel serait ton métier de rêve?
Invité :
J’adorerais être chef. Nous sommes probablement nombreux dans la communauté scientifique à avoir des compétences expérimentales, et je considère la cuisine comme un art et une science. Quand j’étais jeune, mon père était ingénieur chimiste et professeur, mais sa vraie passion était la cuisine. J’ai donc été influencé très tôt. Quand il a pris sa retraite, il est devenu chef cuisinier professionnel. J’aimerais donc suivre les traces de mon père.
Hôte :
Et quel type de cuisine ferais-tu?
Invité :
Je voudrais cuisiner des plats chinois.
Hôte :
C’est la cuisine dans laquelle je ne me suis jamais vraiment aventuré. Je sais cuisiner, même si je ne dirais pas que je suis un chef, mais la cuisine chinoise n’est pas facile pour moi.
Invité :
Ça va être difficile. Je me suis demandé si je ne devrais pas plutôt aller du côté de la cuisine française. Le cordon bleu et compagnie. Oui c’est possible bien sûr. Mais je pense que si j’aime la nourriture, je dois pouvoir la cuisiner.
Hôte :
Tout à fait. À vrai dire, rien que d’apprendre à couper, à découper et à préparer, c’est un cours à part entière.
Invité :
Absolument. Mais nous pouvons y arriver! J’ai tout de même l’impression d’avoir besoin d’un petit cours universitaire.
Hôte :
Tout à fait. Ricky, merci beaucoup d’avoir été des nôtres. Félicitations pour toutes les transactions. C’est un réel plaisir de te voir, et nous resterons en contact.
Invité :
Excellent. Merci de l’invitation.
Locutrice 1 :
Merci de nous avoir écoutés. Ne manquez pas le prochain épisode du balado Insights de TD Cowen.