En pleine ascension, l’or risque de subir un repli temporaire
Par : Bart Melek
oct. 23, 2025 - 10 minutes
Aperçu :
- Plusieurs facteurs économiques aux États-Unis propulsent le prix de l’or vers des sommets.
- Cette ascension fulgurante donne l’impression d’un surachat qui risque d’entraîner une correction à court terme.
- Les perspectives à long terme demeurent optimistes et pourraient confirmer de nouveaux records au premier semestre de 2026.
- Les banques centrales ont été de grands acheteurs d’or et pourraient continuer d’en accumuler, soutenant les prix pendant des années.
- Les risques liés à la dette américaine et aux droits de douane pourraient affaiblir les titres du Trésor et le dollar américain, encore au profit du précieux métal.
L’or a récemment dépassé les 4 000 $ US l’once, établissant des records consécutifs durant son ascension. Les négociateurs ont fait des offres, fermement convaincus que la Réserve fédérale américaine (la Fed) amorce un cycle d’assouplissement, même si l’inflation devrait s’éloigner encore de sa cible. Le discours plus assumé que jamais à l’égard de la dédollarisation et de la démondialisation, les achats massifs du secteur public, l’offre de la Chine d’être un dépositaire de lingots pour les banques centrales étrangères et la réduction des coûts de portage et d’opportunité associés à la réaction de la courbe des taux aux attentes en matière de taux directeur sont autant de facteurs qui galvanisent la demande. Les investisseurs occidentaux ont accru leur exposition aux fonds négociés en bourse (FNB) physiques et aux instruments dérivés, par crainte de rater une occasion et en se disant que la paralysie budgétaire aux États-Unis favorisera les réductions du taux directeur.
Compte tenu de la vitesse et de l’ampleur de la remontée depuis la mi-août, qui a vu le métal jaune bondir de près de 670 $ l’once (20 %), les conseillers en négociation de produits de base et d’autres acteurs pourraient être tentés de réaliser leurs profits, car le contexte « parfait » se maintient rarement. L’or semble faire l’objet d’un surachat, ce qui donne à penser que toute remise en question de la rapidité de l’assouplissement de la Fed ou hausse de la volatilité pourrait entraîner un repli important et freiner sensiblement à plus ou moins court terme la remontée observée à la fin de l’été. Le métal précieux risque de redescendre de ses récents sommets, mais le prix moyen devrait ensuite remonter pour atteindre un nouveau sommet au cours des six premiers mois de 2026, pendant que la Fed déploie des mesures d’assouplissement en contexte inflationniste, que le secteur public continue d’acheter et que les fonds discrétionnaires reprennent une position acheteur.
Une courbe des taux plus accentuée et la crainte de rater une occasion expliquent le prix record de l’or
Le métal jaune a récemment atteint un sommet historique, qui dépassait également le prix record rajusté en fonction de l’inflation enregistré au début des années 1980. Les négociateurs ont fait des offres, fermement convaincus que la Fed amorce un cycle d’assouplissement en orientant sa politique vers son mandat de soutenir le plein emploi en vertu de la Federal Reserve Act.
Les gestionnaires de fonds, qui ont probablement raté le début de la remontée par crainte d’adopter une position acheteur alors que les taux à court terme étaient élevés, se sont tournés vers le métal jaune à la fin de l’été, estimant que leurs coûts de portage allaient diminuer devant l’enthousiasme renouvelé de la Fed à l’égard d’un assouplissement.
Les négociateurs pariaient que la banque centrale américaine allait réduire son taux directeur à mesure que l’inflation s’éloignait de sa cible de 2 %, ce qui aurait fait beaucoup reculer les taux réels dans le segment à court terme de la courbe des taux. Aussi, les placements dans les FNB aurifères physiques ont bondi d’environ 13,8 millions d’onces (+17 %) depuis le début de l’année, tout comme la position acheteur des négociateurs non commerciaux. Pendant ce temps, les thèmes de la monétisation et de la dédollarisation ont convaincu le marché que les banques centrales continueront d’accroître sensiblement leur exposition au métal jaune, prolongeant la tendance des achats annuels de 1 000 tonnes dans l’avenir.
La baisse des taux réels des fonds fédéraux est généralement de bon augure pour les métaux précieux
L’inflation s’éloigne davantage de sa cible
En janvier 1980, le métal jaune a atteint son niveau record environ cinq mois avant que les taux réels ne chutent. À l’époque, le président Volker a mis un frein à l’inflation et le prix de l’or a fléchi. Mais personne de sa trempe ne pointe à l’horizon. Le Federal Open Market Committee (FOMC) pourrait plutôt se retrouver dominé en mai 2026 par des membres au ton relativement conciliant qui considèrent l’inflation de 2 % comme une suggestion et non comme une cible ferme à atteindre à tout prix. Certains investisseurs et certaines banques centrales sont sans doute aussi préoccupés par le fait que la banque centrale américaine pourrait déployer une forme d’assouplissement quantitatif pour comprimer le segment à long terme de la courbe des taux, portion de la courbe qui génère les prêts, et ainsi réduire les coûts de financement.
Résultat : le billet vert pourrait avoir de la difficulté à compenser l’inflation. Vu sa capacité à refléter l’inflation, puisque sa production exige main-d’œuvre et capital productif, l’or pourrait être un meilleur refuge que les titres du Trésor. Si l’on ajoute à cela le fait que les teneurs en minerai diminuent, l’utilisation accrue de ces facteurs de production donne à penser que l’or protégerait mieux le pouvoir d’achat.
Aussi, les spéculateurs qui ont raté en grande partie la récente envolée de l’or semblent sous-investis et pourraient vouloir établir des positions dans le métal jaune. Comme les gestionnaires parlent de plus en plus de portefeuilles 25/25/25/25 ou d’une combinaison semblable qui inclurait une tranche liée à l’or et aux produits de base, la demande des investisseurs pourrait devenir assez forte en 2026. L’adoption d’un portefeuille axé sur l’or et les produits de base plutôt que sur la répartition classique 60/40 en actions et en obligations changerait la donne de façon très relutive pour l’or et ses précieux amis.
Les FNB aident enfin l’or
Mais les remontées ininterrompues sont rares
Compte tenu de la vitesse et de l’ampleur de la remontée de l’or à la fin de l’été, les conseillers en négociation de produits de base de fonds, qui sont de nature à suivre les tendances, et d’autres répartiteurs d’actifs guidés par des algorithmes, risquent de réduire leur horizon de placement. De fait, les conseillers en négociation de produits de base ont déjà ramené leur position longue maximale de 70 % à 45 %, mais cela n’entraîne pas pour l’instant de dénouement important ni n’empêche les prix d’atteindre de nouveaux sommets. Toutefois, si le contexte actuel, considéré comme « parfait » pour l’or, se détériore un peu, les investisseurs en FNB pourraient encaisser leurs profits, incitant ainsi les conseillers en négociation de produits de base à suivre la tendance à la baisse, en particulier si la volatilité grimpe en flèche. Il est à noter que les fonds qui suivent les tendances ciblent aussi la volatilité, ce qui donne à croire qu’une volatilité plus soutenue forcera une vente massive en augmentant la valeur à risque. Des données économiques américaines plus solides que prévu, la réouverture des services gouvernementaux ou toute diminution des attentes de réduction des taux risquent d’attiser la volatilité. Il ne faut pas oublier que la Fed actuelle est très axée sur les données et qu’elle est susceptible de réagir aux surprises positives.
Comme les fonds algorithmiques sont fortement exposés à la position acheteur, une liquidation des positions longues pourrait survenir en cas de flambée de la volatilité. Cela pourrait aussi entraîner un décrochage technique. D’après des mesures comme l’indice de force relative (IFR), l’or est largement suracheté. De plus, l’or se situe à environ 25 % au-dessus de la moyenne mobile sur 200 jours et, historiquement, les primes supérieures à 20 % ne durent pas. Aussi, il ne faudrait pas grand-chose pour qu’une correction ramène l’or à moins de 3 600 $ US/once à court terme.
Correction à court terme sur fond d’appréciation à long terme
Une correction inspirée par les données et la volatilité est une réelle possibilité, mais ne devrait pas durer. En fait, l’or devrait s’apprécier considérablement en 2026 dès la confirmation que la Fed poursuit son cycle d’assouplissement dans un contexte de ralentissement de l’économie, de hausse de l’inflation et de domination des colombes à la banque centrale américaine.
La dette des États-Unis, qui était estimée à 37 430 milliards de dollars américains en septembre 2025, soit environ 125 % du produit intérieur brut (PIB), augmente à un rythme alarmant depuis l’adoption de la loi One Big Beautiful Bill. Les droits de douane risquent aussi d’être jugés illégaux et le gouvernement devra rembourser les revenus perçus, ce qui gonflerait encore le déficit.
La crainte est que les États-Unis doivent monnayer une partie de cette dette en maintenant artificiellement bas les taux à court et à long terme, de sorte que l’or pourrait constituer un meilleur vecteur de rendement. Il y a peu d’appétit pour des hausses d’impôt aux États-Unis, et la demande des investisseurs mondiaux pourrait ne pas suffire à absorber tout ce papier. La concurrence accrue de milliers de milliards de dollars en nouvelles émissions d’euro-obligations, alors que les pays d’Europe creusent leur déficit budgétaire et augmentent leurs dépenses militaires, pourrait être une explication de plus à la difficulté d’absorber tous les titres du Trésor émis.
La baisse des placements en dollars américains découlant des échanges commerciaux avec les États-Unis dans le nouveau contexte tarifaire pourrait bien accroître ces préoccupations. Si les droits de douane américains demeurent très élevés, le commerce mondial avec les États-Unis risque de diminuer, tout comme l’utilité du dollar. Toute dépréciation importante du billet vert serait favorable à l’or.
Les droits de douane et les relations sino-américaines turbulentes expliquent probablement pourquoi la Chine a peu d’appétit pour les titres du Trésor; elle utilise d’ailleurs son excédent de compte courant pour acheter de l’or et des produits de base. Les droits de douane élevés réduisent également les fonds dont disposent les exportateurs pour acheter des titres du Trésor.
Les investisseurs aurifères et les banques centrales peuvent également craindre que l’administration Trump exerce des pressions sur les autorités monétaires américaines pour réduire le taux directeur, même si l’inflation est nettement supérieure à la cible. Les doutes entourant la crédibilité de la Fed donnent à penser que la dette américaine pourrait subir de facto une monétisation partielle, ce qui réduirait les taux réels si l’inflation dépasse la cible.
Le début d’une baisse du dollar américain, de bon augure pour le métal jaune
Le secteur public, une manne pour l’or
En plus de favoriser l’utilisation de l’or pour atténuer l’érosion du pouvoir d’achat et la dédollarisation, les tensions géopolitiques ont été relutives pour le métal jaune. Depuis la montée des tensions géopolitiques ces dernières années, l’or est devenu un actif beaucoup plus prisé par les banques centrales partout dans le monde.
Principaux acheteurs d’or depuis quelques années, les banques centrales en soutiennent la récente envolée. En effet, en 2022, elles en ont acheté un volume record de 1 080 tonnes, puis 1 051 tonnes en 2023, presque un record, et 1 089 tonnes de plus en 2024. Cette année, en 2025, les banques centrales devraient s’en procurer environ 1 000 tonnes. Ces achats massifs coïncident avec le désir des banques centrales du monde de diversifier leurs placements pour réduire leur dépendance au dollar américain, une tendance qui se poursuit en 2025. De fait, le métal jaune représente dans l’ensemble le quart des réserves de change des banques centrales.
Les banques centrales de la Pologne, du Kazakhstan et de la Turquie achètent sans compter, mais c’est la Banque populaire de Chine, vu sa taille, qui retient surtout l’intérêt des investisseurs. Depuis deux ans, elle accapare le métal jaune et en détenait 2 302 tonnes en août, une forte augmentation. Cela ne représente tout de même que 7,6 % de sa réserve de change, établie à 3 317 milliards de dollars. La Chine est en mesure d’acquérir beaucoup plus d’or, si l’on songe que les États-Unis en détiennent près de 75 %. Aux prix actuels, une hausse de 10 % des réserves de change chinoises en or représente un achat d’environ 2 600 tonnes. On peut penser que, si la Chine veut réellement s’éloigner du dollar américain, son programme d’achat prendra de nombreuses années.
Nouveau record en vue
La nouvelle fourchette de l’or semble être de 3 500 $ à 4 400 $ l’once. Pour que les prix fléchissent et demeurent sous le seuil inférieur de la fourchette, les investisseurs devront peut-être s’intéresser de nouveau aux prix en hausse des actifs à risque aux États-Unis, un changement de paradigme selon lequel l’économie américaine demeurera forte, ce qui découragerait toute baisse du taux directeur. Toutefois, nous nous attendons à ce que l’économie s’essouffle, à ce que les marchés d’actifs à risque peinent à se redresser et à ce que la banque centrale américaine réduise son taux directeur, même si l’inflation demeure obstinément supérieure à la cible de 2 %.
Signes que la demande pour le métal jaune devrait augmenter en 2026 :
- diminution du taux directeur, alors que l’inflation augmente;
- moins d’appétit pour les titres du Trésor, devant une dette américaine qui atteint des records et la crainte que le monde ait moins besoin de dollars américains; et
- moins de disponibilité pour les achats de titres du Trésor par des étrangers en raison des droits de douane élevés et de la concurrence potentielle de milliers de milliards d’euro-obligations pour le capital.
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